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qui occupe, à l’exclusion de toute autre, une partie de l’espace ; l’inertie ensuite, c’est là le résultat principal de l’expérience humaine et le fondement même de la mécanique : la matière n’entre en mouvement que quand elle est poussée, et ne perd son mouvement qu’en le communiquant. Du mouvement nous pouvons donc dire ce que nous disions à l’instant de la matière, il ne s’en crée pas, il ne s’en détruit pas ; la quantité en est immuable ; pour le mouvement, comme pour la matière, il n’y a que des transformations. Ici la notion de force demande à s’introduire. Qu’est-ce qu’une force dans le langage de la physique ou de la mécanique ? C’est une cause de mouvement ; mais qu’est-ce à dire et que nous veut cette notion de force ? La cause d’un mouvement, c’est un autre mouvement. Nous nous passerons donc, s’il est possible, de cette notion de force, ou plutôt, car il faut bien pour se faire comprendre employer les mots usuels, nous entendrons par force ce qui fait qu’un mouvement donne lieu à un autre mouvement. Si maintenant, sortant de ces considérations abstraites pour entrer dans le domaine des faits, nous demandons ce que sont les phénomènes physiques qui frappent habituellement nos sens, la chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme, on nous démontre, que la chaleur est un certain mode de mouvement, que la lumière en est un autre, on nous fait entrevoir qu’il en est de même de l’électricité et du magnétisme. Il n’y a donc plus rien qui puisse nous étonner si l’un de ces mouvemens engendre l’autre, si la chaleur se transforme en électricité, si l’électricité se transforme en lumière, quand les rayons solaires pompent l’eau des fleuves ou des lacs, que des nuages se forment, que ces nuages se chargent d’électricité, que des éclairs sillonnent l’atmosphère, et que la vapeur d’eau retombe en pluie sur le sol, nous ne voyons sous ces apparences diverses qu’une série de mouvemens qui se succèdent. Non-seulement nous retrouvons à la fin du phénomène toute la quantité d’eau qui y a figuré, mais, notre esprit suit facilement les modifications multiples du mouvement initial. On comprend d’ailleurs que ces transformations doivent se faire suivant des rapports fixes : si on mesure les divers modes de mouvement au moyen d’unités déterminées, toutes ces unités ont un lien commun ; une calorie, c’est-à-dire une unité de chaleur, correspond toujours à 425 kilogrammètres[1], à 425 unités de travail mécanique ; il y a une relation analogue entre l’unité électrique et la calorie, et ainsi de suite.

Si nous abordons maintenant un autre ordre de faits, si nous

  1. Le kilogrammètre est, comme on sait, le travail que représente un kilogramme élevé à un mètre de hauteur.