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effet de développer considérablement et de rendre proéminente la partie inférieure du visage : cette difformité ne tient donc pas à des causes naturelles. La coloration foncée de la peau est due surtout à l’action de l’air et du soleil sur des corps très peu vêtus.

Les Birmans sont particulièrement simples dans leur logement et leur nourriture. Les habitations sont en bambou ; les grands personnages seuls bâtissent les leurs en bois de teck. Les briques n’entrent que dans la construction des pagodes ; les étrangers s’en servent bien pour leurs magasins, mais nul n’habite de maisons en brique. Cette aversion pour la brique est sans doute causée par la crainte des tremblemens de terre, qui sont assez fréquens et très redoutés. Un personnage de la cour, entendant dire à M. Bastian que les tremblemens de terre sont à peu près inconnus en Angleterre, fut pris d’une grande tristesse : ce fait significatif lui révélait la ruine certaine de son pays. Les maisons birmanes sont à un seul étage, élevées au-dessus du sol au moyen de perches. Cette disposition a pour but de soustraire les habitans de la maison à l’influence immédiate des émanations du sol ; elle assure en même temps un asile à la volaille, que les Birmans élèvent en abondance, et leur donne l’avantage d’avoir leur basse-cour au-dessous d’eux. Ce n’est pas par l’ameublement, l’ordre ni la propreté que brillent ces demeures ; mais au moins ne peut-on pas leur reprocher le sybaritisme. Un lit birman se réduit à une natte qu’on étend le soir et qu’on roule le matin : l’oreiller ne s’y trouve pas toujours ; les princes seuls se permettent un lit en bois élevé au-dessus du sol. De pareils lits sont interdits aux moines.

Le riz forme la base de l’alimentation ; on le cuit dans l’eau sans sel, mais on le mange en même temps que le carry, sauce tantôt aigre, tantôt douce, destinée à en relever le goût. Le repas se prend assis par terre ; on mange avec les doigts en s’aidant de petits bâtons. A défaut de riz, on se nourrit d’un composé d’orge, de lait et de sucre de palmier ; du reste on mêle volontiers au riz toutes sortes de graines, de fruits sauvages, de racines amollies ou bouillies dans l’eau. En général, toute plante non vénéneuse est admise dans l’alimentation des Birmans ; mais leur plat favori, c’est le ngapie, qui a pour base du poisson que l’on tient en terre jusqu’à putréfaction et qu’on mélange ensuite avec du beurre rance. Toute l’atmosphère du Birma, dit M. Bastian, est infectée du parfum de ce mets délicieux ; même dans les solitudes que traverse l’Iraouaddy, le voyageur ne pouvait y échapper, le vent lui apportait presque constamment l’odeur de quelque navire qui en était chargé.

Le ngapie renferme la seule substance animale qui entre dans la nourriture réglementaire des Birmans ; ils peuvent cependant