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parler, écrit-il, à tous ceux l’approchent ; mes observations, mes prières, mes larmes, tout ce que j’ai pu tenter a été infructueux. Le premier consul persiste à dire qu’il ne doit pas revenir sur la détermination qu’il a prise… Il croit que le bien public l’exige ainsi, et tous ses discours se terminent par la volonté hautement exprimée d’obliger le légat à leur donner l’institution canonique[1]. »

L’embarras de Caprara était extrême, car il n’était pas exact, comme le répétait incessamment le premier consul, que le saint-père n’eût pas d’objection à la nomination des évêques constitutionnels. Nombre de fois Consalvi avait eu soin, dans ses dépêches, de faire remarquer au représentant du saint-siège « que sa sainteté n’avait donné d’autres espérances aux évêques intrus que celle de les réconcilier avec l’église. Jamais le pape n’avait parlé de les rétablir dans l’exercice de leur ministère et dans leurs fonctions épiscopales[2]. Il avait poussé la précaution jusqu’à recommander au légat de s’abstenir pour le moment de faire usage du pouvoir qui lui avait été accordé d’absoudre et de reconnaître les ecclésiastiques ordonnés par les évêques intrus ; il devait se borner à les admettre à la communion laïque[3]. Placé entre des prescriptions si positives et les exigences du premier consul, qu’allait faire le légat ? Réduit à une aussi cruelle extrémité, il en vint à penser qu’il valait mieux, s’il y avait à faire une si énorme concession, qu’elle lui fût imputée plutôt qu’au pape. C’est pourquoi, tout en protestant qu’il agissait sous la pression des circonstances, en vue du bien si précieux de l’unité, par crainte de perpétuer le schisme en France, ou d’y introduire un schisme nouveau, il annonça, quoiqu’en pleurant, qu’il consentirait à sacrer les évêques constitutionnels ; mais il mettait une condition à cette complaisance : c’est que les ecclésiastiques désignés par le premier consul feraient préalablement acte de soumission au pontife romain, et cela de la manière et dans les termes exprès qui lui avaient été impérieusement prescrits par le saint-siège. Les choses se trouvaient en cet état, lorsque le jeudi suivant, qui était le jeudi saint, les évêques constitutionnels se rendirent à dix heures du matin chez le légat. Après les avoir convenablement reçus et charitablement exhortés à ne donner à l’avenir que des sujets d’édification, le cardinal leur présenta à signer la lettre qu’ils devaient adresser au pape ; mais d’une voix unanime ils s’y refusèrent tous. Ils se dirent prêts à signer une

  1. Correspondance du cardinal Caprara, 18 avril 1802.
  2. Dépêche du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 7 avril 1802.
  3. Ibid.