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DES NATIONALITES
A PROPOS DE LA GUERRE DE 1866

L’existence des nations a été jusqu’ici, elle est encore constituée par des traités, et on voit surgir un nouveau droit des nations qui autorise la négation des traités. Avant d’avoir été défini, ce principe, né d’hier, ébranle le monde; glorifié sur quelques points, il est méconnu et outragé sur plusieurs autres. La conscience humaine condamne la guerre, il n’y a qu’un cri contre le régime des grandes armées, et des armées plus nombreuses que jamais ont été mises sur pied dans l’Europe centrale de manière à faire craindre une guerre générale. Plus le besoin de l’économie est senti, et plus grossissent les budgets. On a fait du progrès une religion, on honore le travail par une espèce de culte; voilà qu’on se met à saccager affreusement les outils du progrès et les fruits accumulés du travail. La contradiction déborde dans la pratique des cabinets comme dans les doctrines. La nation longtemps prépondérante, qui se mêlait arrogamment de toutes choses et partout, professe et pratique si bien la non-intervention, qu’elle crée pour d’autres souverains le privilège d’intervenir. Dans la polémique, d’anciens amis s’étonnent d’être divisés et de prendre des chemins opposés en tendant au même but. Le vœu général appelait un congrès pour trancher les difficultés, mais le congrès a été reconnu impossible, parce que la règle de l’arbitrage est faussée, et qu’il n’y aurait pas de sanction pour le jugement.

Tel est l’état actuel de l’Europe. Cette confusion est l’effet d’un changement profond qui s’opère dans le droit public. Il y a aux prises