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qui ne sont plus un embarras pour la mécanique moderne, une source de froid. Au moment même où l’on se préoccupait de refroidir les marais salans, on savait que les Anglais avaient installé dans l’Inde de puissantes machines à vapeur de plus de cent chevaux de force destinées à fabriquer industriellement d’immenses blocs de glace. Il n’y avait donc pas lieu d’être inquiet sur le résultat final. La science était saisie de la question, elle ne devait pas tarder à la résoudre complètement. Dans les galeries de cette même exposition de Londres fonctionnait déjà en effet une machine qui offrait une solution inattendue, économique et élégante de ce problème : production de la glace par la combustion du charbon ; nous voulons parler de l’appareil de M. Carré. Immédiatement construit dans de grandes proportions et employé dans les salines du midi de la France, cet appareil y permet depuis ce moment d’abaisser la température jusqu’au degré nécessaire pour déterminer la production du sulfate de soude. Il a permis aussi de décupler la fabrication de ce corps sans dégagement d’aucun gaz ; il a développé dans la même proportion la production de l’autre base alcaline, la potasse.

L’industrie nouvelle était donc définitivement constituée ; elle avait conquis l’aplomb manufacturier ; il semblait que rien ne pût désormais en compromettre la prospérité. Elle était pourtant sérieusement menacée ; des recherches depuis longtemps poursuivies en Allemagne venaient d’aboutir à un résultat satisfaisant ; on. avait constaté la possibilité d’exploiter un immense gisement souterrain riche en composés salins analogues à ceux des marais salans. Ce gisement, que l’on trouve à Stassfurt, près de Magdebourg, en Prusse, et à Anhalt-Bernbourg, dans le duché de ce.nom, est un immense amas stratifié, lentement formé par les dépôts de la mer aux époques géologiques, et enfoui depuis dans les entrailles de la terre par l’accumulation de dépôts postérieurs[1].

La découverte d’une si puissante formation naturelle de sels de potasse ne date guère que de l’année 1860. Elle eut parmi les savans et les industriels un grand retentissement ; les deux localités,

  1. Les couches très régulières de ce gisement se succèdent dans l’ordre suivant en partant du bas : 1° une couche de sel gemme pur d’une grande puissance (les sondages entrepris jusqu’à ce jour ont pénétré jusqu’à 150 mètres de profondeur dans cette couche sans en atteindre la base) ; 2° une zone de sel gemme de 30 mètres d’épaisseur, contenant des proportions variables et qui atteignent 5 pour 1,000 de chlorure de potassium, et à la partie supérieure des sels de chaux et de magnésie ; 3° une couche de kieserite, ou sulfate de magnésie, à un seul équivalent d’eau ; 4° la carnallite, chlorure double de potassium et de magnésium, avec 12 équivalens d’eau ; cette couche, par la richesse en potassium des sels qui la constituent, est la plus importante du gisement ; 5° la tachydrite, chlorure double de calcium et de magnésium. Enfin le gisement contient encore quelques corps moins intéressans au point de vue industriel mélangés aux précédens ou isolés dans la masse en rognons globulaires.