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on ne considéra que la quantité de matière utile, sans tenir compte des matières inertes. Enfin les industriels qui employaient la potasse et la soude ne payèrent pas seulement leurs alcalis à un prix plus logique, ils purent les utiliser mieux et subordonner avec précision la force alcaline de leurs réactifs à l’effet qu’il s’agissait d’atteindre. Là ne se bornèrent pas les services de la méthode alcalimétrique. Descroizilles l’appliqua lui-même aux essais des vinaigres et des autres acides usuels, à la détermination de la force décolorante du chlore, à l’essai des propriétés tinctoriales de l’indigo, C’est en effet une nouvelle méthode générale d’analyse, dont le principe essentiel, la partie originale, est de substituer la mesure des volumes de solutions homogènes titrées d’avance à des pesées toujours délicates et difficiles. Cette méthode, perfectionnée depuis par Gay-Lussac et par plusieurs chimistes contemporains, a été l’origine et forme la base de tous les procédés volumétriques et des essais manufacturiers.

A l’aide d’un moyen d’investigation de pratique si facile et recommandé par des résultats si rigoureux, on put voir ce qu’il y avait de fondé et ce qu’il y avait d’injuste dans les plaintes dont la soude artificielle était l’objet. Il fut reconnu que, si on pouvait reprocher à la soude artificielle une action souvent trop énergique, c’est qu’elle était en réalité plus riche que la soude naturelle, et qu’à un même poids correspondait, dans le nouveau produit, une valeur alcaline plus considérable. Il fut alors très aisé de mieux diriger l’emploi du nouvel agent et d’en établir le dosage avec une entière certitude. On apprit également à tenir compte d’une autre cause d’erreur, la causticité des dissolutions. Naturelles ou artificielles, les soudes et potasses brutes sont des carbonates de potasse ou de soude. Soit pendant la préparation, soit dans l’exposition à l’air libre, la potasse ou la soude se combinent en effet avec l’acide carbonique de l’air, dont elles sont très avides, et forment avec lui un sel, moins énergique dans son action alcaline que la potasse ou la soude pure ou caustique. Les excellentes soudes naturelles de Ténériffe et d’Alicante avaient tout le temps, pendant la traversée, de se combiner avec l’acide carbonique de l’air, et, au moment où elles étaient livrées au commerce français, se trouvaient dénuées de toute causticité. Les soudes indigènes contenaient, à la sortie de l’usine, un mélange de carbonate de soude et de soude caustique, et il pouvait se faire qu’on les employât avant que cette causticité n’eût disparu. C’était tantôt un avantage qu’il était facile de s’assurer, tantôt un inconvénient qu’il était non moins aisé de faire disparaître par une exposition du produit brut à l’air atmosphérique.

Il semblerait, que des résultats si précis, des constatations si