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montrer l’influence sur diverses applications de la chimie, un intérêt que reconnaîtront sans peine les amis éclairés de la science.


I

La soude est un oxyde métallique, c’est-à-dire le produit de la combinaison d’un métal, le sodium, avec l’oxygène. Elle appartient, comme la potasse, avec laquelle elle a beaucoup de propriétés, par suite beaucoup d’applications communes[1], au genre de corps que les Arabes appelaient déjà au IXe siècle des alcalis, nom qui leur est resté[2]. Elle a une grande affinité pour les acides, et se combine avec eux pour former des sels. — En industrie, tantôt on utilise directement dette affinité des alcalis pour les acides, par exemple dans le dégraissage ; tantôt on ne s’en sert que pour produire des sels qu’on applique ensuite à des usages divers, par exemple dans la fabrication des savons formés d’acides gras et de soude ou de potasse. La véritable composition des alcalis était complètement inconnue aux anciens alchimistes ; ils ne se rendaient nul compte des réactions qui se manifestaient au contact des acides, et ils n’étaient guidés que par des tâtonnemens empiriques dans le dosage des deux substances nécessaires à la préparation d’un sel déterminé. Ils avaient cependant obtenu plusieurs sels alcalins, et les applications possibles de ces sels avaient été aperçues. C’est ainsi que la potasse, combinée avec l’acide nitrique[3], avait donné le salpêtre, un des ingrédiens de la poudre. Plusieurs sels de soude avaient été utilisés de même et alimentaient, à la fin

  1. Il est presque impossible de faire l’histoire de la soude sans parler de la potasse ; c’est ce qui nous arrivera souvent dans le cours de cette étude. Ces deux corps sont tout à fait similaires et peuvent être substitués l’un à l’autre dans une foule d’usages industriels. Il y a cependant des applications spéciales à chacun d’eux. Tandis que certains sels de potasse sont en effet déliquescens, comme le carbonate, c’est-à-dire qu’ils attirent l’humidité et se liquéfient à l’air, plusieurs sels de soude, le sulfate entre autres, sont efflorescens et se réduisent spontanément en poudre au lieu de se liquéfier. Le nitrate ou azotate de potasse toutefois résiste mieux à l’humidité que le nitrate de soude. On emploie donc la potasse, à l’exclusion de la soude, pour la préparation du salpêtre destiné à fabriquer la poudre, qui redoute l’humidité.
  2. On sait que le mot alchimie est également arabe. Il se compose de l’article ai et d’une corruption du nom de Cham, que les adeptes de la science occulte regardaient comme l’auteur des premières recherches sur le grand-œuvre. Beaucoup de dénominations empruntées par la chimie moderne à l’ancienne alchimie sont de même arabes.
  3. Les propriétés de l’acide nitrique ou azotique furent indiquées par Albert le Grand, qui le nommait eau dissolvante, Albert le Grand fit des cours à Paris en 1225 avec un tel succès que la salle où il professait devint trop étroite pour l’affluence des auditeurs, et qu’il dut continuer ses leçons en plein air, sur une place qui prit le nom de place Magni Alberti, dont nous avons fait place Haubert.