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LE LIBAN
ET
DAVOUD-PACHA

LA PACIFICATION ET L'ORGANISATION DU LIBAN.
YOUSSEF CARAM ET LA REACTION TURQUE

Nous avons raconté dans une première étude[1] comment Davoud-Pacha avait réussi à tourner ou à briser les impossibilités diverses que lui créait, dès son arrivée au Liban, le règlement de 1861. Il nous restait à dire l’intelligent parti qu’il avait su tirer de ce premier succès pour la transformation complète des districts mixtes de la montagne[2], quand un doute est venu nous forcer de suspendre, sinon l’appréciation de ce passé, qui ne laisse de prise qu’à l’éloge, du moins les conclusions qui s’en dégagent. L’épreuve si heureusement commencée allait-elle justifier ou condamner la récente doctrine appliquée au Liban, cette doctrine du non-indigénat qui nie le droit traditionnel du pays à n’être gouverné que par un Libanais ou des Libanais[3] ? Dès la seconde moitié de 1865, la

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1865.
  2. Ce qu’on nomme les districts mixtes comprend la moitié méridionale du Liban, c’est-à-dire la caïmacamie druse et la lisière sud de l’ancienne caïmacamie chrétienne. Les trois élémens chrétiens (maronite, grec-catholique et grec-schismatique) y coudoient l’élément druse, et c’est là que la politique d’où sont sortis les massacres de 1860 avait établi son centre d’opérations. La moitié nord du Liban est exclusivement maronite et avait ainsi échappé à la guerre de races.
  3. Rappelons que la doctrine contraire, celle de l’indigénat, a été soutenue jusqu’au dernier moment par la France. Si, dans la conférence de 1861, elle se rallia in extremis à l’expédient du non-indigénat, c’est-à-dire à la nomination pour trois ans d’un gouverneur-général étranger, si elle agréa même personnellement pour ce poste l’Arménien catholique Davoud-Pacha, ce n’est qu’a titre d’expérience. A l’expiration des trois ans, Davoud-Pacha avait si bien justifié la confiance un peu forcée de notre diplomatie que celle-ci a été la première à demander la continuation de cette expérience pour cinq ans encore ; mais la question de principe, le procès entre l’indigénat et le non-indigénat, reste toujours en suspens devant l’Europe, et surtout devant les Libanais, dont une partie n’a pas cessé d’être hostile à Davoud-Pacha, tandis que l’autre partie l’admettait simplement comme un provisoire très acceptable ;