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si grand rôle dans la vie domestique des Anglais, commence sa joyeuse chanson, suspendu à une sorte de trépied. On étend la nappe sur l’herbe ou sur la surface plate d’un rocher, et, les préparatifs terminés, chacun se tient debout le chapeau à la main, tandis que le missionnaire appelle les bénédictions du ciel sur le frugal repas. Les hommes qui prennent le thé, les moutons et les chèvres qui se reposent, les bœufs qui broutent, tout cela forme une scène curieuse. Cependant après une ou deux heures de halte on se remet en route jusqu’à la nuit. La soirée se passe autour d’un feu de bivouac à chanter des hymnes, à causer et à prier. Tout le monde se met au lit de bonne heure. Il n’est pas rare qu’un orage éclate pendant la nuit ; mais la maison est étroitement fermée, tandis que les gens de service, ayant eu la précaution d’étendre la toile de la tente autour des roues, dorment tranquillement sous la voiture à l’abri de la pluie. Le lendemain, au point du jour, on rassemble les bœufs, et après un modeste déjeuner on reprend le chemin des solitudes.

Comme ce voyage dure souvent des mois, on s’explique aisément les préparatifs et les provisions qu’il exige. Il arrive quelquefois qu’on tue sur la route une antilope, et qu’on ajoute ainsi le produit éventuel de la chasse au quartier-général des vivres. La plupart des animaux qu’on rencontre ne sont pourtant point d’un grand secours ; ce sont des troupeaux d’autruches qui passent en battant des ailes ou des bandes de chacals qui hurlent la nuit le long des buissons. Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que le chariot s’avance sur un terrain uni ; il doit de temps en temps escalader des collines abruptes ou s’engager dans des passages dangereux, entre des rochers à pic. Tout le monde alors met pied à terre, heureux encore quand le timon ne se brise point au milieu des rudes chocs imprimés à la lourde machine. D’autres fois ce sont des rivières qui barrent tout à coup le passage ; on est alors obligé ou de chercher un gué dans les sables ou de construire des radeaux que de hardis. nageurs poussent de l’autre côté du fleuve. Ne faut-il point aussi après quelque temps songer à faire le pain et à blanchir le linge ? C’est naturellement l’ouvrage des femmes. On profite pour cela d’un beau jour et d’un clair ruisseau coulant au pied d’une montagne ; mais en Afrique les plus beaux jours sont souvent troublés par des orages. Le tonnerre éclate tout à coup, suivi d’un déluge de grêle et de pluie qui force tous les travailleurs à chercher un refuge dans. le chariot. Une heure après, le soleil rayonne ; mais le feu est éteint, la pâte détrempée par l’eau du ciel, et il faut recommencer les apprêts domestiques. Il arrive qu’on passe quelquefois près d’un village ou du moins d’un groupe de huttes. Quelle belle occasion,