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la main un fusil ou un coutelas pour se défendre contre les bêtes sauvages. On fait quelquefois usage des chevaux de selle ; mais dans certains districts ces animaux ne vivent point longtemps, soit à cause de la qualité des herbes, soit par l’effet du climat : le chameau lui-même, quoique enfant du pays, ne résiste guère dans l’ouest à certaines marches forcées. Aussi la coutume la plus générale est-elle de franchir le désert dans des chariots traînés par des bœufs. Ces chariots, longs et étroits, montés sur deux paires de roues, se trouvent en outre recouverts d’une grande toile en forme de tente qui protège les voyageurs contre le soleil ou la pluie. Deux vastes coffres, dont l’un sert de siège au cocher et dont l’autre se place en arrière du char, servent à recevoir les provisions de bouche. Sous la voiture est suspendu ce qu’on appelle la trappe ; on y entasse les ustensiles de cuisine, ainsi que les outils destinés à réparer les accidens qui peuvent arriver sur la route. L’intérieur de cette maison roulante se divise en deux compartimens, l’un dans lequel le missionnaire et sa compagne se tiennent pendant la journée, l’autre où ils couchent durant la nuit. C’est naturellement la femme qui préside aux arrangemens domestiques, et pour peu qu’elle ait, comme disent les Anglais, la main industrieuse, elle répand sur ce ménage nomade un ordre et un bien-être qu’envierait plus d’une famille sédentaire. Le jour, on la voit commodément assise travailler à l’aiguille, tandis que son mari surveille les gens ou le bétail, et, si tout va bien, se livre tranquillement à la lecture. Le lourd chariot est traîné par un attelage de bœufs qui peut varier de douze à dix-huit, selon les circonstances du voyage. Ces animaux, presque tous de la même couleur et se ressemblant les uns aux autres, forment un groupe éclatant d’énergie et de santé. Trois hommes sont nécessaires pour gouverner un chariot, le cocher, le conducteur et un aide qui prend soin des bêtes destinées à la boucherie. Lorsque tous les préparatifs de départ sont terminés, le cocher, assis sur son siège, fait claquer son immense fouet, et la pesante machine s’ébranle le long de chemins rudes et à peine tracés. On fait ainsi en moyenne trois milles par heure à travers un paysage grandiose, pittoresque, mais triste. L’Afrique est une contrée sévère qui dans certains endroits semble comme pétrifiée par le soleil. Après trois ou quatre heures de marche, il faut faire halte et dételer les bœufs haletans. On choisit pour cela quelque oasis dans le désert. Le conducteur donne alors le mot à ses hommes, et le véhicule s’arrête. Les bœufs, délivrés du joug, se rendent d’abord vers le ruisseau où ils s’abreuvent et ensuite vers les pâturages naturels dont ils tondent l’herbe fraîche. Pendant ce temps-là, les hommes ont ramassé des morceaux de bois sec, allumé le feu, et le coquemar, qui joue un