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d’ajourner à la session prochaine la loi sur la nouvelle répartition des collèges électoraux. Il a été battu dans cette tentative. La résistance de la chambre des communes a eu le dessus. On s’est hâté de voter à la seconde lecture le principe du bill de la distribution des sièges après un discours critique de M. Disraeli, qui fit une très vive sensation, et sur l’avis d’un des membres les plus autorisés du parti whig, M. Bouverie, on décida que pour l’épreuve du comité, c’est-à-dire de la discussion et du vote par articles, les deux bills seraient réunis. C’est cette discussion des détails des lois de réforme qui commence en ce moment. Dès le début, on voit apparaître une telle nuée d’amendemens venus des rangs des whigs autant que de ceux des tories, qu’il n’est plus vraisemblable que la loi soit votée cette année, à moins que la chambre des communes ne se soumette à la corvée d’une session d’automne. Les projets ministériels semblent inspirer trop peu de sympathie pour que la chambre leur fasse le sacrifice d’une partie de ses vacances. Une résolution présentée par un membre conservateur et qui demande que le bill de réforme soit accompagné de nouvelles dispositions contre la corruption électorale vient d’être votée contre le ministère à une majorité de dix voix dans une chambre très nombreuse. Une autre résolution pourrait porter un ébranlement plus sérieux aux projets de réforme de M. Gladstone. L’assaillant cette fois est un whig, le capitaine Hayter. Ce capitaine est le fils d’un ancien whig, sir W. Hayter, qui a exercé longtemps les fonctions actives de whipper-in du parti, c’est-à-dire de meneur dans l’enrôlement des votes parlementaires, et possédant à fond par conséquent ce qu’on pourrait appeler la physiologie de la chambre des communes. D’accord avec son père, dont il a lu une lettre, M. Hayter déclare et propose à la chambre de répéter avec lui que le projet ministériel de la répartition des sièges est si indigeste, si mal étudié, si peu mûri, qu’il ne saurait être voté dans sa forme actuelle. La résolution de M. Hayter sera votée par les conservateurs ; si elle obtient la majorité, il est probable que la réforme sera enterrée pour cette année. Cet échec ne serait point un grand mal, si le cabinet anglais savait contre-balancer par la bienfaisante influence de sa politique étrangère ses tâtonnemens et sa faiblesse dans la chambre des communes. Lord Clarendon effacera-t-il par ses succès au congrès les échecs de lord Russell et de M. Gladstone ? Personne ne le désire plus cordialement que nous.


E. FORCADE.


V. DE MARS.