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intéressées, conserver autant que possible à la confédération ses droits sur la succession, — au besoin et en échange de concessions sur d’autres points, garantir une satisfaction raisonnable aux intérêts naturels de la Prusse — la marge est assez grande pour que la France, l’Angleterre et la Russie se puissent ménager un plan concerté. Sur le différend italien, les vues et les intérêts des trois puissances ne sauraient se contrarier : c’est une éternelle menace de conflit à faire disparaître des chances politiques de l’Europe. Si, l’on demande pour cela un sacrifice à l’Autriche, on a la conscience d’agir dans le plus véritable intérêt de cette puissance. Quant aux compensations à lui offrir, et elles sont indiquées dans une partie de la Turquie d’Europe qui semble placée dans l’orbite naturel de l’Autriche, et où aucun intérêt russe, anglais ou français n’est en jeu ; elles pourraient se compléter dans quelques médiatisations en Allemagne, celle de la Hesse-Cassel, par exemple, où les populations n’auraient point à se plaindre d’un changement de régime politique et de souverain. Quant à la réforme fédérale, que l’Allemagne l’accomplisse à son gré pour tout ce qui concerne son gouvernement intérieur, les puissances neutres n’ont rien à y voir ; mais il est un point sur lequel une rénovation du pacte fédéral changerait sans profit pour l’indépendance des peuples germanique, les conditions de l’équilibre : c’est celui de l’organisation et du commandement militaires. Une réforme fédérale qui ferait passer toutes les ressources de guerre de l’Allemagne aux mains de l’une des deux grandes puissances de la confédération conférerait à cette puissance une force militaire qui ne serait plus en rapport avec les forces des peuples voisins. La France, l’Angleterre et la Russie ont un intérêt identique à s’opposer à une pareille révolution, si évidemment contraire à la sécurité des autres états européens et aux conditions permanentes de la paix générale.

Au surplus ; quel que soit le résultat de ces grandes et délicates transactions, l’instinct sûr et puissant qui attache l’opinion publique en France à la conservation de la paix ne pourra que s’affermir à mesure que la controverse politique ira s’étendant et s’approfondissant. En face des conflits auxquels nous assistons, la position de la France n’est plus aussi simple qu’elle l’était en 1859, lorsque, marchant au secours du Piémont, nous ouvrîmes à la nation italienne les voies de l’indépendance et de l’unité. Dans la question telle qu’elles est posée aujourd’hui, nous avons des intérêts distincts de ceux de l’Italie, et il importe que nous ne les perdions point de vue au moment des résolutions décisives. En dépit d’une presse affolée qui se dit radicale et qui n’a aucune des idées positives et rationnelles, aucune des fiertés du radicalisme démocratique et libéral, d’une presse qu’attirent les jeux de la force et qui se laisse emporter par un fanatisme servile, d’une presse toujours prête à souffler la guerre au-delà des frontières et toujours oublieuse de la cause des libertés intérieures, les affaires italiennes ne sont point toutes nos affaires, et l’intérêt ni le devoir ne nous obligent