Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous ne saurions avoir la présomption de proposer un programme à la délibération européenne qui va s’ouvrir. On connait les questions qui seront discutées, les duchés de l’Elbe, le différend italien celles des réformes du pacte fédéral qui pourraient intéresser l’équilibre européen. Dans quel ordre ces questions seront-elles présentées ? quelles seront les formes de discussion ? Nous n’exagérons point la valeur des procédures. Le travail de la conférence ne laissera guère que des traces, arides et décolorées dans les procès-verbaux qui seront plus tard communiqués au public. Le vrai travail diplomatique se fera dans les entretiens privés, dans les démarches particulières des ministres des affaires étrangères des divers états qui vont se rencontrer parmi nous ; la solution des questions se traitera surtout dans les conversations de ces ministres avec l’empereur. Nul ne peut songer à percer d’avance ces mystères et à prévoir les directions que prendra toute cette activité à laquelle sera lié le sort des peuples. Les sept actions politiques qui vont se trouver en présence se décomposent en deux groupes : le groupe des puissances neutres, France, Angleterre et Russie ; le groupe des états en querelle, Prusse, Autriche, Italie et confédération germanique. C’est au groupe des neutres qu’appartient naturellement la recherche des solutions pacifiques. Les débats pourront s’engager de deux façons : ou bien les neutres donneront d’abord la parole aux puissances qui sont en lutte, et laisseront successivement exposer à chacune d’elles ses griefs et ses prétentions, ou bien les neutres proposeront à la fois et d’avance sur chaque question le programme sommaire du débat et le projet de solution. Nous doutons qu’on choisisse le premier mode. Si on commençait par laisser chacun des plaignans et des demandeurs raconter sa querelle, on tomberait dans l’inconvénient des lenteurs interminables, et les questions se présenteraient dans les termes les plus contradictoires et les plus irréconciliables. On courrait le danger de laisser les parties s’engager et se compromettre dans des prétentions qu’il serait difficile d’abandonner honorablement. Le meilleur système serait que les neutres, par l’organe du président de la conférence, prissent l’initiative du programme des discussions et des projets de solution. Les avantages de ce système sautent aux yeux : d’abord les propositions ainsi, présentées résulteraient d’une entente préalable des neutres, et cette entente, sans avoir un caractère coercitif et comminatoire, aurait à coup sûr une autorité persuasive considérable ; ensuite les discussions circonscrites au nécessaire, seraient abrégées, et on ne tarderait pas à voir, s’il est possible ou non de s’entendre ; enfin l’ensemble de la discussion ainsi conduite produirait un effet, plus décisif sur l’opinion publique le jour où celle-ci en serait saisie.

L’entente préalable des neutres sur les questions soumises à la conférence serait-elle difficile ? Nous ne le pensons point. Sur l’affaire des duchés, la France, l’Angleterre et la Russie ne sauraient avoir des vues divergentes laisser une place légitime au sentiment des populations