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l’Italie un ennemi permanent ; elle s’affaiblit dans toutes les grandes affaires ; des alliances qui iraient naturellement à elle en plusieurs circonstances, celles de la France et de l’Angleterre par exemple, sont refroidies par l’embarras de sa position envers l’état italien : lorsque, comme elle en fait aujourd’hui l’épreuve dans sa lutte avec M. de Bismark, elle rencontre un opposant, dont elle eût eu facilement raison, si elle eût été affranchie des hostilités italiennes, cet antagoniste grandit tout à coup et devient un adversaire redoutable, parce qu’il est sûr d’avoir pour second nécessaire et constant l’Italie. Les complications actuelles sont comme un avertissement providentiel qui montre à l’Autriche la position fausse et précaire que lui créent ses relations avec l’Italie. Ces choses-la sont comprises en Autriche, nous en avons la conviction, dans les cercles du gouvernement et dans la société éclairée qui forme l’opinion publique. Il ne faut à la cour de Vienne et à ses peuples, pour couper court à cet insupportable embarras, qu’une occasion favorable où des concessions seraient relevées et honorées par la grandeur du but qu’il s’agit d’atteindre, par la solennité des circonstances, par la certitude d’un témoignage imposant de la reconnaissance de l’Europe. Voilà justement cette occasion unique offerte à l’Autriche par la réunion de la conférence de Paris. Si la conférence réussit, l’alliance excentrique et accidentelle de l’Italie avec la Prusse sera rompue, l’Autriche reprendra la liberté de ses amitiés en Europe, et recouvrera la force et la sécurité de sa situation en Allemagne sans affronter les chances funestes d’une guerre civile. Il n’est pas à craindre que l’œuvre de la conférence soit déjouée par une démarche militaire intempestive et inconsidérée de l’Autriche.

Il serait inutile de parler de la Prusse et de l’Allemagne, si les sentimens que manifestent depuis un mois le peuple prussien et les populations germaniques ne méritaient point un hommage particulier de sympathie et d’admiration. Les préparatifs guerriers de M. de Bismark, conséquence de ses intrigues diplomatiques, ruinent la Prusse, et sont justement accompagnés de la réprobation hautement déclarée du peuple prussien. Ce peuple a dans l’esprit des élémens de liberté qui domineront infailliblement un jour les caprices et les obstinations de son gouvernement. Le peuple prussien prouve par les adresses de ses corps municipaux, par les réunions de ses citoyens, qu’il demeure incorruptible aux ambitions dynastiques et ministérielles auxquelles on veut le sacrifier. Il faut louer aussi les manifestations des états moyens. Partout les parlemens se rassemblent ; le langage, des souverains à ces assemblées, l’attitude et les résolutions des chambres montrent le même esprit de paix, de liberté régulière, de résistance aux entreprises violentes et néfastes qui voudraient livrer l’Allemagne à la dictature militaire de Berlin. Ces protestations droites et généreuses de la véritable et sincère Allemagne seront d’un grand secours pour les amis de la paix au sein de la conférence.