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peut avoir la conférence à la responsabilité qu’encourent les gouvernemens et les hommes d’état qui y prendront part, il n’est pas téméraire d’espérer de ses travaux la conservation de la paix. Le sentiment de la responsabilité doit étreindre au cœur ces diplomates et ces chefs d’empire. Quand il s’agit de préserver nos sociétés de calamités qui résultent du jeu le plus mystérieux des forces de la nature, on ne craint point d’affronter le problème ; on a, par exemple, l’énergique pensée de fermer au choléra l’accès de l’Europe, et quand on a devant soi une calamité plus horrible encore, la guerre, qui est enfermée, celle-là, dans le cercle de la liberté et du pouvoir de l’homme, le conseil des nations civilisées laisserait proclamer son impuissance ! Nous ne voulons point croire à cette faiblesse.

Nous voyons donc avec espoir la réunion de la conférence. Avant tout, la délibération européenne aura pour effet d’empêcher l’ouverture des hostilités qu’on s’attendait naguère à voir éclater à tout moment. Parmi les états qui ont armé, ceux à qui l’ajournement des hostilités semble imposer un pénible sacrifice dans le cas où il faudrait de toute façon en venir aux armes sont l’Italie et l’Autriche. L’Italie s’est préparée à la lutte avec une ardeur qui a surpris tout le monde et dont il y a lieu de tenir compte, car elle est l’indice d’un vivace sentiment national. Nous nous sommes efforcés, depuis le commencement de cette crise, de juger avec impartialité la situation de l’Italie : l’alliance de l’Italie avec la Prusse ne saurait nous plaire ; cependant nous ne pouvons méconnaître les nécessités exceptionnelles qui entraînent le peuple italien et son gouvernement. Le royaume italien ne peut avoir de sécurité et arriver à sa constitution définitive tant que la possession de la Vénétie par l’Autriche maintient entre les deux états une cause permanente d’antagonisme. Si la délivrance de la Vénétie. n’était qu’affaire d’imagination et de sentiment, on aurait le droit d’exiger plus de patience de la part de l’Italie ; mais la pression des intérêts est ici plus forte encore que l’élan naturel de la passion nationale. Il n’y a pas de paix et de véritable indépendance pour l’Italie, par conséquent pas d’ordre financier et de sécurité gouvernementale intérieure, tant qu’une grande puissance militaire détient les formidables forteresses du nord et demeure campée sur les bords du Pô et du Mincio. En cet état d’anxiété perpétuelle, d’inachèvement national, d’instabilité gouvernementale, il est naturel que l’Italie ne laisse échapper aucune occasion d’atteindre le terme de sa formation politique : peu lui importe la qualité des alliances, si elle peut trouver des auxiliaires, et on ne saurait être surpris qu’elle ait cru devoir tirer profit de l’hostilité de M. de Bismark contre la cour de Vienne. Nous ne mettons, quant à nous, qu’une condition à cette liberté d’alliances, c’est que l’Italie ait de justes égards pour les intérêts de la France qui pourraient être lésés par ses mouvemens. Nous ne lui demandons que d’avoir une condescendance amicale pour ceux de nos intérêts politiques qui pourraient ne point coïncider avec les siens. La France a traité l’Italie en enfant gâté :