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française inspirait à l’intérieur et à l’extérieur, les terres du clergé et des émigrés ne se placèrent qu’à vil prix. En moyenne, on n’en retira peut-être pas le quart ou le cinquième de leur valeur. En résumé, ces biens du clergé italien, qui avec la paix auraient pu être utilisés de manière à sauver d’un désastre les finances de l’Italie, seraient rapidement consumés en temps de guerre. Par conséquent, même en supposant, ce qui n’est point fait encore, qu’on organise sur une grande échelle la vente générale des biens du clergé et qu’on s’en défasse rapidement, la guerre, pour peu qu’elle eût de la durée, ne pourrait faire autrement que de mettre le royaume d’Italie dans la déplorable nécessité de recourir systématiquement et en grand aux réquisitions, qui sont la dissipation des ressources d’un état, la négation du droit de propriété, une menace permanente contre l’industrie, une rude atteinte à la sécurité que le travail réclame pour déployer son action. Pour qu’un royaume formé d’hier ne tombât pas en éclats dans une telle expérience, il faudrait qu’il eût bien du bonheur.

Ici, si je pouvais me permettre une digression, je m’arrêterais pour développer une idée qui ressort de ces observations et qui a bien sa moralité : c’est qu’un peuple qui ne sait pas s’administrer, qui gouverne mal ses finances, se frappe par cela même d’incapacité et se prive des moyens de soutenir une guerre juste ou injuste. C’est qu’un peuple qui n’a pas le goût ou l’intelligence de l’industrie dans ses diverses branches, chez lequel le travail n’a pas une grande puissance productive, qui par cela seul est inhabile à créer de la richesse, est condamné par son impuissance même ou sa médiocrité à s’abstenir de ce qui est possible à d’autres. La guerre sans nécessité est une faute de la part d’un peuple quelconque ; elle est une énormité et une occasion presque infaillible de désastre pour un peuple qui aurait désorganisé ses finances, ou qui ne posséderait pas dans une industrie vivace et bien organisée le moyen de les régénérer.

La conclusion qu’on peut tirer de ce qui précède, c’est que, sur les trois puissances qui gravitent vers l’état de guerre, il y en a au moins deux pour lesquelles ce serait une aggravation extrême d’une situation intérieure déjà difficile, sans compter les périls extérieurs. La temporisation, la paix armée, malgré ses inconvéniens, était bien préférable ou bien moins mauvaise. Quant à la troisième, la Prusse, les inconvéniens et les dangers de la guerre seraient pour elle d’un genre différent ; ils n’en sont pas moins réels ni moins graves. Je ne crois pas devoir tenter de les signaler ici en détail. Ce serait se risquer plus qu’il ne convient dans les régions nuageuses de la politique toute spéculative quant à présent que de rechercher si