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Je crains : de m’être bien trompée sur la route qu’il a fallu suivre ; tout me fait croire qu’il y a ici de la bonne foi et du sincère désir du bien. » On connaissait depuis longtemps d’autres lettres adressées vers la même époque à l’empereur, et dans lesquelles Marie-Antoinette s’exprime comme elle vient de le faire à l’égard de Mercy. Dans un message du 30 juillet, par exemple, elle assure qu’elle est maintenant mieux éclairée, et que les circonstances donnent beaucoup plus d’espoir ; les hommes influens de l’assemblée se prononcent pour le rétablissement de l’autorité royale ; tout paraît se réunir pour amener la fin des désordres. « Il ne faut donc pas ; ajoute-t-elle, que les mouvemens extérieurs viennent contrarier une tendance salutaire ; une tentative d’intervention armée serait particulièrement et à tous les points de vue redoutable. » Ces assurances, écrites de la main de la reine, sont des plus formelles ; on pouvait s’y tromper. L’erreur n’est plus possible, et l’on ne dira plus que la reine a voulu tenter un arrangement avec la révolution, qu’elle a fait des concessions pour un temps, ou bien qu’elle a hésité dans sa ligue de conduite. On vient de lire le billet du 29 à Mercy et le message du 30 à Léopold ; en voici les contre-parties. M. d’Arneth, en les faisant connaître pour la première fois, nous ouvre un nouveau jour à travers ce terrible drame.


« A Mercy, ce 31 juillet. — Je vous ai écrit le 29 une lettre que vous jugerez aisément n’être pas dans mon style. J’ai cru devoir céder aux désirs des chefs de parti ici, qui m’ont donné eux-mêmes le projet de lettre. J’en ai écrit une autre à l’empereur hier 30 ; j’en serais humiliée, si je n’espérais pas que mon frère jugera que dans ma position je suis obligée de faire et d’écrire tout ce qu’on exige de moi. Il est bien essentiel que mon frère me réponde une lettre circonstanciée qui puisse être montrée, et qui en quelque sorte puisse servir de base de négociation ici. Envoyez sur-le-champ un courrier pour l’en prévenir… »


Le lendemain, elle écrit encore en chiffres à Mercy pour le prévenir sur le compte de l’agent par lequel passeront les massages dictés par Barnave :


« L’abbé Louis doit vous aller joindre bientôt ; il se dira accrédité par moi pour vous parler. Il est essentiel que vous ayez l’air de l’écouter et d’être prévenu, mais de ne pas vous laisser aller à ses idées. Je suis obligée de garder de grands ménagemens avec lui et ses amis : ils ni ont été utiles et me le sont encore dans ce moment ; mais, quelques bonnes intentions qu’ils montrent, leurs idées sont exagérées et ne peuvent jamais nous convenir… M. de Blumendorff vous dira notre position ici ; les scélérats sont dans les dernières convulsions de la rage ; ils cherchent à m’attaquer de toutes les manières, mais je ne crains rien ; et je supporte tout dans l’espoir que bientôt tout cela sera fini. »