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plus mauvais jours de la révolution ; mais on se tromperait singulièrement, si l’on croyait que la reine y eût attribué une si grande importance et en eût été émue jusqu’à l’excès. Sa correspondance authentique nous offre quatre ou cinq lettres où elle parle de cette affaire. C’est à Joseph II qu’elle s’adresse d’abord, le 22 août 1785, pour lui mander par le courrier de M. de Vergennes « un petit abrégé de la catastrophe du cardinal de Rohan. » En achevant ce bref résumé d’une vingtaine de lignes, elle dit de la façon la plus froide du monde et aussi la plus dédaigneuse : « C’est un étrange roman aux yeux de tout ce pays-ci que de vouloir supposer que j’ai pu vouloir donner une commission secrète au cardinal… J’espère que cette affaire sera bientôt terminée. Dans tous les cas, je désire que cette horreur et tous ces détails soient bien éclaircis aux yeux de tout le monde. » Un mois après, écrivant par le courrier de Mercy et au milieu d’autres objets dont elle vient d’informer son frère : « Le cardinal a pris mon nom, ajoute-t-elle, comme un vil et maladroit faux monnayeur… Il a choisi d’être jugé par le parlement. Je suis charmée que nous n’ayons plus à entendre parler de cette horreur, qui ne peut être jugée avant le mois de décembre. » Il n’y a plus d’autre mention importante que pendant ce mois de décembre. « Dès le moment où le cardinal a été arrêté, dit-elle, j’ai bien compté qu’il ne pourrait plus reparaître à la cour ; mais la procédure pourrait avoir d’autres suites : elle a commencé par un décret de prise de corps qui le suspend de tous droits, fonctions et faculté de faire aucun acte civil jusqu’à son jugement. Cagliostro, charlatan, La Mothe, sa femme et une nommée Oliva, barboteuse des rues, sont décrétés avec lui ; il faudra qu’il leur soit confronté et réponde à leurs reproches. Quelle association pour un grand-aumônier et un Rohan cardinal ! » Voilà tout ce que donnent les archives de Vienne, et l’examen de la série publiée par M. d’Arneth pour les cinq derniers mois de 1785 paraît complète. Il serait téméraire sans doute d’affirmer que la reine n’ait écrit sur le procès du collier à aucune autre personne ; mais en tout cas elle ne peut point avoir écrit des pages précisément contraires à celles que nous venons de citer par l’accent moral. Tel est cependant le caractère d’une série de lettres qui se trouvent dans un des recueils français[1]. On y rencontre d’abord la paraphrase d’une page de Mme Campan : en 1782, pendant le voyage du comte du Nord à Paris, la reine ayant donné au grand-duc une fête de nuit à Trianon, le cardinal de Rohan avait pénétré sans permission dans les jardins illuminés et s’y était fait voir. Ce récit bien connu, qui annonce

  1. Celui de M. d’Hunolstein.