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point l’initiative de l’agression, et d’ailleurs aucun ne paraît être réellement prêt encore à commencer les hostilités. L’Italie déclare qu’elle ne devancera point l’explosion de la guerre en Allemagne ; l’Autriche prétend qu’elle ne commettra point la folie d’attaquer les Italiens ; la Prusse soutient qu’elle ne songe qu’à la défensive ; les états moyens d’Allemagne disent qu’ils n’arment que pour faire respecter la loi fédérale. Si l’on prenait au mot ces assurances respectives, la guerre ne devrait jamais commencer. Sans tomber dans cette illusion, il est permis de compter sur un délai causé par l’insuffisance des préparatifs militaires. Nous croyons bien que, si l’on avait dans tous ces états belliqueux l’aveu sincère des administrations de la guerre, elles conviendraient qu’elles ne sont point prêtes pour l’entrée immédiate en campagne, et qu’elles auraient besoin de deux semaines ou d’un mois pour ouvrir les hostilités. On aurait donc encore le temps de prendre en considération l’état du débat diplomatique entre les futurs belligérans et d’évoquer ce débat devant la politique générale de l’Europe.

Un caractère propre à la crise actuelle, c’est que les menaces muettes, les défis d’attitude ont précédé les discussions publiques et les actes ordinaires de la procédure diplomatique. Le cabinet qui avait pris au début les allures les plus provocatrices, celui qui semblait le plus pressé d’aller en besogne, était le cabinet prussien. L’opinion publique a pu remarquer, depuis l’ouverture des discussions et des procédures, que M. de Bismark, tout en demeurant aigre et rogue, se montrait moins pétulant qu’on ne l’aurait cru. Dans cette phase de la crise, M. de Bismark, au lieu de gagner du terrain, semblerait plutôt en avoir perdu. Que cela vienne des difficultés intimes que M. de Bismark doit rencontrer auprès du roi de Prusse ou dans les témérités mêmes de sa politique, peu importe, le fait est qu’il y a eu dans sa conduite une hésitation visible. Les négociations ont été engagées sur quatre points, sur les armemens respectifs de la Prusse et de l’Autriche, sur la constitution définitive des duchés, sur l’armement de la Saxe, sur la réforme fédérale et la convocation à Francfort d’un parlement germanique élu par le suffrage universel. La négociation s’est close sur les deux premiers points de la façon qu’il était aisé de prévoir. M. de Bismark, sur le premier point, a démasqué une communauté d’intérêts avec l’Italie et subordonné le désarmement de la Prusse à la cessation des précautions militaires que l’Autriche avait cru devoir prendre vers sa frontière méridionale ; sur le second point, il a refusé de remettre à la diète la décision relative au futur état politique des duchés de l’Elbe. Dans cette partie du débat, si le ministre prussien a fait ostentation du concours qu’il veut donner à l’Italie, il a montré à l’égard de la diète et des états moyens une défiance qui ne saurait accroître l’influence de la Prusse en Allemagne. Ce qui s’est passé à l’égard de la Saxe a excité plus de surprise. Quand on vit M. de Bismark demander à M. de Beust des explications sur les armemens saxons, on crut qu’il avait fait choix de son terrain de campagne. Il n’est