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souvent flétri au nom de la révolution même ; la nouveauté ici, c’est d’avoir fait cette critique au nom de la conscience religieuse, d’avoir uni ces deux termes jusque-là inconciliables, révolution, religion, d’avoir renouvelé enfin à cette lumière l’intelligence des faits et des idées. C’est grâce à une inspiration si neuve que M. Quinet a pu accomplir sa tâche avec une rigueur inflexible. Parmi ses devanciers et ses amis, les plus hostiles à la terreur avaient fini un jour ou l’autre par fléchir sous le vent fatal ; tel qui d’avance avait condamné les terroristes comme des imitateurs du moyen âge n’avait pu achever son livre sans s’incliner devant Robespierre. Nulle défaillance chez M. Quinet une fois qu’il s’est pris corps à corps au monstrueux système de la terreur. Tout en faisant la part de la tourmente qui brisait les géans, il leur prouve sous mille formes, par mille exemples, qu’un principe essentiel leur a manqué pour affermir leur œuvre, c’est-à-dire le sentiment du divin.

Je fais l’histoire des pensées de M. Quinet bien plus que l’analyse de son livre. Si l’on prenait le texte de l’ouvrage au pied de la lettre, combien de passages encore où l’on serait arrêté ! Il semble par instans qu’il serait prêt à excuser les barbaries de la montagne, si ces barbaries avaient servi du moins à supprimer la foi du moyen âge : mauvaises manières de dire, paroles équivoques dont l’auteur n’a pas eu le courage de purifier son manifeste. C’est par là qu’il prête le flanc à des représailles trop faciles, et qu’il compromet ses admirables critiques de la terreur. Prenez garde pourtant : si M. Quinet a laissé éclater ça et là des regrets que dément l’inspiration générale de l’œuvre, il y a une page qui explique les contradictions de cette âme en peine, une page si décisive et si nette que la loyauté nous fait un devoir de la mettre en pleine lumière. Il vient de montrer les tergiversations des dictateurs en tout ce qui intéressait la question religieuse, il a mis à nu le vide de leurs pensées, il a dénoncé ces contradictions de leur impuissance morale, violences contre les hommes, timidité en face des doctrines ; il les a convaincus d’avoir misérablement « soulevé le sable et respecté le vieux roc ; » il leur a demandé ce que signifiaient tant d’innovations superficielles, — fêtes païennes, jubilés révolutionnaires, changemens du calendrier, systèmes d’éducation factice, tant que « la seule éducation véritablement efficace, l’ancien culte, » était maintenue dans la loi ; puis tout à coup, comme si, échappant à l’obsession d’un mauvais rêve, il s’apercevait enfin du double sens de son langage, « je prie, s’écrie-t-il, qu’on ne fasse pas semblant de se méprendre sur ma pensée. Je sais comme tout le monde que la liberté des cultes est le principe qui doit prévaloir, qu’il est le fond de la conscience moderne ; mais je crois pouvoir dire que les