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est, dit-on, pénétrée de cette vérité en Autriche, et il est permis de croire que si en effet le général Benedeck est retenu à Vienne, c’est que le gouvernement impérial lui destine le commandement de l’armée du nord, et que, s’il y est contraint, c’est contre la cour de Berlin qu’il dirigera ses efforts les plus énergiques et les plus prompts.

Quant à l’Italie, elle est entraînée par une irrésistible fatalité, et nous n’avons pas le cœur de la blâmer sous le coup des périls qu’elle affronte. Dans l’état de rénovation qu’elle traverse, elle est à la merci des circonstances, et n’a pas l’entière responsabilité de ses résolutions politiques ; mais ce que nous n’hésitons point à reprocher sévèrement aux hommes d’état italiens, c’est la négligence inexcusable qu’ils ont apportée dans les affaires dont ils étaient les maîtres, dans la solution de leurs questions financières. Quoi ! ils allaient à une guerre possible, et ils n’ont pas su régulariser à temps leurs finances, ils n’ont pas voulu mettre leur crédit en état ; ils ont négligé paresseusement un intérêt de cet ordre dans le méprisable lanternage des travaux de commission ; ils ont été infidèles à cette masse de capitalistes, Français en immense majorité, qui leur avaient apporté leurs épargnes pour les aider à fonder leur indépendance. Par leur politique dilatoire, par les fausses impressions qu’ils ont laissé répandre dans le public, ils ont permis que leurs créanciers, qu’on pourrait appeler leurs commanditaires politiques, subissent une ruineuse dépréciation de leur fortune : il ne s’est pas trouvé parmi eux un homme ayant la passion du bon sens et de l’honnêteté pour leur jeter le cri de notre Mirabeau : « la banqueroute, la hideuse banqueroute est à vos portes, et vous délibérez ! » Le désastre ne sera pas réparé de longtemps à moins que le miracle d’une paix certaine nous soit donné ; mais il est encore au pouvoir des Italiens d’empêcher que le mal devienne plus profond et incurable : qu’ils aient un élan d’enthousiasme raisonnable, qu’ils votent de confiance les projets financiers du ministère, que le ministère ait à cœur de maintenir les contrats qu’il a conclus avec ses créanciers et de sauver l’honneur du crédit en Italie !

L’obsession sous laquelle fermente la politique continentale enlève pour nous une grande partie de leur intérêt aux débats sur la réforme électorale qui ont rempli depuis quinze jours les séances de la chambre des communes. De beaux discours, qui resteront dans la littérature et dans l’histoire politique comme de sérieux objets d’études, ont été prononcés dans cette longue discussion. Il faut citer parmi ces remarquables harangues celles de lord Stanley, de M. Lowe, de M. Bright, de M. Mill, de M. Disraeli, de M. Gladstone. Le ministère n’a obtenu pour la seconde lecture de son bill qu’une insignifiante majorité de cinq voix dans une chambre qui comptait plus de 630 membres. Le sort du bill paraît compromis ; il n’est pas probable qu’il puisse traverser avec succès l’épreuve du comité, c’est-à-dire du vote par article. Le cabinet paraît néanmoins résolu à rester