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assombrir le tableau. A notre avis, ce côté de la question mérite au contraire le plus sérieux examen. En étudiant les budgets pontificaux, il nous a semblé que la solution du problème financier qui nous occupe est à Rome : idée étrange et qui a l’air d’un paradoxe, nous avons hâte de la justifier en exposant la situation économique faite aux états romains par la convention du 16 septembre.


II. — LES FINANCES PONTIFICALES.

Avant 1859, le domaine pontifical était subdivisé en vingt provinces et présentait une superficie de 41,852 kilomètres camés. Les derniers recensemens lui attribuaient une population de 3,125,000 âmes. Le déchirement, qui a aujourd’hui la force du fait accompli, n’a plus laissé au chef de l’église que Rome et ses dépendances, les provinces de Civita-Vecchia, Viterbe, Velletri et Frosinone, moins le duché de Ponte-Corvo, qui en a été détaché. Ainsi réduit, le domaine ecclésiastique ne mesure plus en superficie que 11,650 kilomètres carrés ; on lui attribue une population d’environ 700,000 âmes, et c’est peut-être beaucoup. Dire que le pouvoir temporel a perdu un peu moins des trois quarts de son territoire et un peu plus des trois quarts de ses sujets, ce ne serait pas donner une dée bien exacte de son affaiblissement. Les provinces conservées ne sont ni les plus fertiles ni les plus industrieuses ; c’est là qu’on trouve encore les immenses domaines mis en pâtures, comme les latifundia, si funestes à l’ancienne Rome, et ces marais de mauvais renom dont les rares habitans sont de maigres consommateurs et de pauvres contribuables.

En dehors de toute considération morale, il y a une question préalable à soulever. Le pouvoir temporel, dans les conditions où il vient d’être placé, peut-il vivre matériellement ? L’expérience des dernières années ne répand aucune lumière sur ce problème ; d’une part, la cour de Rome, pour ne pas avoir l’air de reconnaître les spoliations dont elle se plaint, a voulu maintenir dans ses comptes financiers certaines charges afférentes à ses anciennes provinces : elle affecte notamment d’inscrire à son budget la totalité de l’ancienne dette publique. D’autre part, on a trouvé des ressources mystérieuses dans le denier de saint Pierre et dans plusieurs emprunts. On a donc vécu d’expédiens dans un provisoire qui ne saurait pas se prolonger.

Le budget romain n’a jamais eu ce caractère de précision qui est de rigueur chez les nations qui se respectent. Les bilans financiers, livrés au public sans aucun moyen de contrôle, ne sont que des aperçus où l’on ne saurait distinguer le provisoire du définitif.