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proportionnel à l’aisance de chacun. Avec ce caractère, il n’y avait plus de raison pour exempter de l’income-tax la propriété territoriale, qui est la richesse par excellence. Seulement, dans la crainte de faire double emploi, on a distingué le revenu provenant de la rente foncière des profits de l’industrie agricole : le propriétaire rentier acquitte la taxe entière, et le fermier n’en paie que la moitié. Si M. Scialoja avait présenté les choses de cette façon, s’il avait dit tout simplement : « Un supplément d’impôt est indispensable, nous demandons à toutes les classes sans exception d’abandonner à l’état une partie de leurs revenus, » le patriotisme italien aurait fait une fois de plus acte d’abnégation. Les propriétaires fonciers auraient payé comme les autres une cotisation éventuelle, avec espoir de s’y soustraire dans les temps meilleurs. Au lieu de cela, M. Scialoja établit un principe absolu et permanent. Il expose d’une manière abstraite et subtile comme une leçon de Ricardo, que la rente foncière, inhérente à la vertu productive du sol, est différente du profit qui fait le revenu du cultivateur. La rente constitue, à proprement parler, le droit de la propriété, et dans ce droit l’état entre pour une partie dont l’impôt foncier est la mesure. Suivant quelques théoriciens auxquels se joint M. Scialoja, ce contingent de l’état, lorsqu’il est invariable et connu à l’avance, ne grève plus les propriétaires : c’est un élément dont on ne tient pas compte dans les transactions. Si un domaine de 100 hectares doit verser au trésor le produit de 10 hectares, on vend, on achète, on loue 90 hectares seulement. Le propriétaire n’est pas un contribuable tant qu’il ne paie que la partie de la rente foncière appartenant à l’état, c’est un gérant qui verse un dividende à son associé. Si l’impôt foncier enlève un dixième du revenu, le législateur pourrait frapper les neuf autres sans craindre de faire double emploi.

Il va sans dire que dans cette hypothèse il faudrait saisir la limite peu visible entre ce que l’école de Ricardo appelle la rente naturelle de la terre et ces revenus variables que donne l’exploitation. Or la plus grande confusion à cet égard existe en Italie, en raison de son ancien morcellement et de la diversité des régimes qu’elle a subis. A un autre point de vue, l’impôt sur la richesse mobilière, improvisé en 1863, donne lieu à des répartitions assez arbitraires, au grand dommage du fisc. Le plan de M. Scialoja consistait donc à « consolider l’impôt foncier, » suivant son expression, c’est-à-dire à constater au moyen d’un cadastre immuable la portion de l’impôt foncier correspondant à la rente de la terre, et en même temps à remanier l’impôt sur les revenus de façon à l’étendre dans une certaine mesure à la propriété territoriale. Théoriquement on ne saurait contredire ses argumens, et le ministre des