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et avec une prestesse dont on n’avait pas même idée autrefois. Ces merveilles sont l’effet d’une vaste commandite dont les intéressés sont souvent en plus grand nombre dans les pays étrangers que dans le pays débiteur. De là une mystérieuse solidarité entre les peuples, un utile contrôle des affaires publiques ; mais cette vigilance est toujours dans les extrêmes. La confiance aveugle est aisément effacée par l’inquiétude exagérée. De là vient qu’un dérangement budgétaire auquel on aurait fait peu d’attention autrefois peut acquérir les proportions d’une calamité politique.

Voyez l’Italie. L’œuvre de sa transformation est tellement avancée, le fait est si bien entré dans les données de la politique générale, qu’on aurait peine à concevoir la possibilité d’un retour au passé ; mais on était pressé de vivre de la vie nationale : les dépenses d’organisation réparties d’ordinaire sur une longue période, on les a faites en cinq ans. On n’a pas encore eu le temps de sonder les forces contributives et de faire entrer les impôts nécessaires dans les habitudes du peuple. On se trouve ainsi en présence d’un budget où les revenus atteignent à peine les trois quarts de la dépense, et on s’avoue que la veine des moyens extraordinaires est à peu près épuisée. De là une panique dangereuse. On entend dire que le nouveau régime ne pourra pas faire ses frais, et que la détresse financière est la brèche par où rentrera l’ennemi. Le patriotisme italien s’est en quelque sorte constitué en permanence ; il fait appel à tous les genres de dévouement : le rétablissement à tout prix de l’équilibre financier est invoqué comme une loi de salut public.

Telle est la situation que nous nous proposons d’examiner. La crise est grave assurément : hâtons-nous de dire qu’elle ne se présente pas avec le caractère d’une catastrophe imminente. L’Italie dans ses embarras a du temps devant elle pour aviser, et c’est ici le cas de dire comme les Anglais : le temps est de l’argent. En matière de finance et de budget, il y a deux choses qu’il ne faut pas confondre : l’état matériel du trésor et la comptabilité budgétaire. Il n’est pas rare que l’insuffisance des recettes aboutisse au déficit, tandis que les caisses publiques sont bien garnies d’argent : c’est ce qui arrive actuellement en Italie. Les prévisions de recettes et de dépenses pour l’année 1866 ont fait ressortir le déficit qui a mis l’opinion en émoi ; mais les échéances de trésorerie sont assurées par des ressources extra-budgétaires provenant des négociations antérieures. Plusieurs ministres italiens ont déclaré qu’ils ont en caisse les fonds nécessaires pour pourvoir au paiement de la dette et aux services importans jusqu’au 1er janvier 1867. Les effets du déficit actuel ne se feraient sentir que l’année prochaine. Nous