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gouvernement de Munich les nécessités qui le portaient à reconnaître le changement intervenu en Grèce, changement qui avait dépossédé, on s’en souvient, un prince de Bavière !… Quant aux peuples de la grands patrie, aux braves habitans des diverses Allemagnes depuis la Saxe et le Wurtemberg jusqu’aux Reuss, Greitz, Schleitz, Lobenstein et Ebersdorf, il va sans dire qu’ils ne cessèrent de réclamer et de protester sur tous les tons et dans tous les meetings. La manifestation qui eut lieu à Francfort le 1er octobre 1865 avait surtout un caractère imposant, et devait même bientôt fournir le sujet d’un incident diplomatique. Là, une réunion des députés des diverses chambres germaniques soumit l’arrangement intervenu entre les deux souverains à une discussion aussi approfondie qu’animée, et sur la proposition de son comité (le comité des trente-six) vota diverses résolutions énergiques qui dénonçaient la coaventiin de Gastein comme « attentatoire au droit et à la sécurité de l’Allemagne. »

L’effet produit par l’arrangement du 14 août 1865 dut convaincre de bonne heure M. de Bismark que la brillante journée de Gastein ne serait pas de sitôt suivie d’autres également faciles et glorieuses, que l’Autriche ne glisserait pas sur la pente si habilement creusée dans le sol rocailleux de Salzbourg. Une fois encore il essaya, il est vrai, d’entraîner le cabinet impérial dans une équipée assez sérieuse et toujours au nom de ce « combat contre la révolution, » le sésame magique qui lui avait ouvert tant de fois les portes de Vienne. Il s’agissait d’une semonce à adresser au sénat de Francfort pour sa tolérance envers des réunions du genre de celle du 1er octobre. Le cabinet impérial consentit d’abord à ces démarches ; mais, — pour employer les expressions plaintives de M. de Bismark lui-même[1], — « il chercha bientôt à en rompre la portée, et l’effet a fini par se réduire à rien… » Le ministre prussien échoua également dans une autre tentative sur un terrain beaucoup plus pratique, dans ce même mois d’octobre 1865. L’Autriche négociait alors son emprunt dans les difficultés que l’on sait : M. de Bismark cherchait à empêcher par tous les moyens la réussite d’une affaire aussi vitale pour l’empire, il allait même jusqu’à défendre que l’emprunt fût coté à la bourse de Berlin ; mais simultanément il faisait offrir à Vienne, par l’entremise d’un banquier célèbre, la somme séduisante de 300 millions de francs pour la cession des duchés. L’offre fut rejetée… Décidément la théorie des syndics de la couronne avait donné tout ce qu’elle avait pu., et la violence seule était capable d’achever la grande œuvre. Or, pour user de la violence, il fallait épier le

  1. Dépêche au baron de Werther, du 26 janvier 1866.