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Vienne en février 1864, celui qui depuis, et à des occasions différentes, a toujours produit son effet ordinaire sur l’esprit de François-Joseph : l’argument qu’il fallait resserrer à tout prix les liens entre les deux grandes puissances germaniques, afin de déjouer les calculs de l’étranger et de « combattre la révolution[1]… » Il s’en faut cependant que M. de Bismark soit parvenu, dans cette circonstance, à toutes ses fins, à la réalisation complète de la théorie de ses impayables syndics. Il dut même se contenter d’un gain relativement bien minime. Le Lauenbourg seul fut cédé à la Prusse[2] contre la somme de 2,500,000 thalers danois ; la grande affaire des duchés-unis ne put être conclue. Le condominium et le provisorium furent maintenus sur l’Eider. Seulement, et pour éviter autant que possible les froissemens d’une administration collective, il fut décidé que la Prusse administrerait désormais seule dans le Slesvig, l’Autriche seule aussi dans le Holstein, le tout sans préjudice pour le droit de possession de chacune des puissances sur l’ensemble des deux provinces. Ce sont là les points principaux stipulés dans la fameuse convention de Gastein (14 août 1865). Cette convention clôt la première phase du différend austro-prussien au sujet du bien mal acquis par la guerre inique contre le Danemark.


II

Pour n’avoir accordé à la Prusse qu’un léger à-compte, la convention de Gastein n’en fut pas moins très sévèrement jugée par la diplomatie de l’Europe et la conscience des nations. On connaît la circulaire si remarquable qu’écrivit à cette occasion M. Drouyn de Lhuys le 29 août 1865. Le ministre de France y démontrait péremptoirement et éloquemment que la convention était aussi contraire aux anciens traités de 1815 et 1852 qu’au « droit de succession » qui avait servi de prétexte à la guerre, aussi contraire aux intérêts de l’Allemagne qu’à ceux des duchés, aussi contraire aux vœux des populations qu’au principe de nationalité. « Sur quel principe repose donc la combinaison austro-prussienne ? continuait la dépêche française. Nous regrettons de n’y trouver d’autre fondement que la

  1. Voyez plus loin le passage de la dépêche prussienne du 26 janvier 1866.
  2. Cette cession du Lauenbourg demande une courte explication juridique. Le Lauenbourg, selon l’aveu des avocats même les plus ardens de « la grande patrie, n’avait appartenu bien et dûment au Danemark et ne faisait pas partie de la « succession » tant controversée. De là le raisonnement suivant à Vienne : le Lauenbourg est une simple et pure conquête ; on pouvait donc en disposer sans léser les droits des tiers, le céder en tout honneur et justice. — Crowner’s-quest law !…