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GABRIELLE.

À quoi bon ?

TRISTAN.

Ne vous est-il jamais arrivé, mademoiselle, de rencontrer pour la première fois un visage sympathique, de causer une heure seulement avec la personne qui le porte et de vous dire : C’est étrange, il me semble que nous nous connaissons depuis longtemps déjà ? Eh bien ! mademoiselle, j’en suis là avec vous. Je vous vois pour la première fois, je cause avec vous depuis une heure à peine, et je me dis : C’est étrange, il me semble que nous sommes de vieux amis.

GABRIELLE, ingénument.

C’est vrai !

TRISTAN, avec joie.

Ah !

GABRIELLE, lui imposant silence.

Chut ! .. avez-vous entendu ? TRISTAN, lui désignant la gauche. On vient de ce côté.

GABRIELLE, à voix basse.

C’est le jardinier ! Nous sommes perdus !

TRISTAN.

Voulez-vous que je le jette au chien ?

GABRIELLE.

Mais non ! venez !

TRISTAN.

Où ?

GABRIELLE.

Dans ce massif. Surtout pas de bruit ! (Elle entre dans le massif. Tristan s’assoit à côté d’elle sur le banc.)

TRISTAN, avec transport.

Ah ! quel ! ..

GABRIELLE, lui mettant la main sur la bouche.

Chut donc ! (Tristan lui prend la main et la baise. Gabrielle veut la retirer.) Monsieur !

TRISTAN.

Chut donc ! (n garde la main de Gabrielle dans la sienne.)

SCÈNE V.
GABRIELLE et TRISTAN, cachés dans le massif. LE JARDINIER. — (Le jardinier, un bâton à la main, s’avance avec précaution en regardant de tous côtés ; il s’arrête un instant au pied du mur, examine le sable de l’allée, puis fait un signe de tête négatif, traverse le théâtre et sort par la droite. Pendant cette scène, Tristan tient dans ses mains la main de Gabrielle, qui baisse les yeux.)