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connaîtrait le droit fédéral, et commencerait la lutte en se mettant en rébellion contre l’autorité de la diète. Cette puissance sera évidemment la Prusse. Que feront les états moyens de l’armée fédérale ? En la plaçant sous l’action de l’Autriche, ils rendraient probablement leur contingent plus efficaces Nous souhaiterions cependant que les convenances de la guerre se pussent concilier à cette occasion avec les intérêts de la politique. Ceux qui souhaitent que la moyenne Allemagne sorte fortifiée de cette crise doivent désirer que les états secondaires conservent pour eux-mêmes la disposition et la direction de l’armée fédérale.

L’empereur a signalé avec raison un gage de sécurité pour l’Europe dans l’accord des puissances neutres qui s’étaient concertées pour proposer la conférence. Il importe que cet accord se maintienne pendant la durée des hostilités. Le bruit s’était récemment répandu qu’un rapprochement se serait opéré entre la Russie et l’Autriche. Nous ne croyons point que cette rumeur ait quelque fondement. La Russie ne saurait voir avec satisfaction la politique actuelle de la Prusse ; l’empereur Alexandre a fait les efforts les plus sincères pour détourner le roi Guillaume des combinaisons où l’a entraîné son ministre ; il n’a pas été plus heureux que la reine Victoria dans les pressans appels qu’elle a adressés aux sentimens du roi de Prusse. Cependant les liens qui unissent les cours de Pétersbourg et de Berlin sont si anciens et si étroits, qu’il ne semble point possible que la Russie prenne jamais parti contre la Prusse et pour l’Autriche. Un accident pressant de la question d’Orient pourrait seul expliquer un tel prodige. La longue et importante conversation sur l’état de l’Europe qui a eu lieu à la chambre des communes il y a peu de jours, a laissé voir en partie les dispositions de l’opinion publique anglaise. M. Kinglake, dans son interpellation incisive et développée, était évidemment l’organe d’un groupe important du parti whig. M. Kinglake, à notre avis trop partial en faveur de l’Autriche, a manqué d’équité envers l’Italie. Comme l’a si bien dit M. Gladstone, ce qui rend la revendication italienne intéressante, c’est qu’elle est soutenue et justifiée par les aspirations incontestables des populations vénitiennes, dont l’affranchissement est en cause ; c’est encore dans sa réponse que M. Gladstone a établi la distinction que les libéraux font dans cette question entre les prétentions des Italiens et celles du gouvernement prussien, les unes justifiées par le sentiment de la confraternité nationale, les autres inspirées par une ambition cynique. Cependant M. Gladstone, voué aux travaux et aux gloires de la paix, semble mal à l’aise quand il faut parler le langage des affaires étrangères, qui aujourd’hui réveille si vite l’écho des canons. Les pacifiques de son école apportent dans les discussions diplomatiques des naïvetés de dévots qui n’ont point le don de charmer les assemblées parlementaires. On l’a vu dans la suite des discours. Des hommes d’un tempérament plus jeune, sir Robert Peel, lord Cranbourne par exemple, ont lancé quelques traits vifs et applaudis sur la politique indolente et