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toujours l’impôt, celui-là parvient le plus souvent à dissimuler son revenu. C’est surtout pour l’employé que l’impôt est inexorable parce que l’employé ne peut pas cacher ses émolumens. De plus, par suite du système de répartition qui avait été adopté, un officier, par exemple, pouvait être exposé à payer 10, 20 ou 30 pour 100 sur son traitement selon le lieu où il était taxé. Qu’en résulte-t-il ? C’est que ces abus, qui sont souvent des traditions difficiles à déraciner et quelquefois aussi des maladresses, créent des griefs sans nombre, soulèvent des nuages de récriminations, en suscitant des embarras à la fois financiers et politiques. Je ne sais quelle économie réelle produirait dans le budget une réforme intelligente et hardie de l’administration italienne. Cette économie n’éteindrait pas sans doute le déficit, elle serait néanmoins considérable à coup sûr, et par-dessus tout elle ferait disparaître bien des froissemens inutiles qui, en se mêlant à des causes plus sérieuses, je veux dire plus politiques, deviennent une des difficultés de la fusion définitive et complète de toutes les provinces italiennes.

Que l’unité de l’Italie en effet ne trouve pas son plus grand écueil dans les finances, dans toutes les anomalies inhérentes à une telle transformation, cela n’est pas douteux. Je serais tenté de dire que toutes ces questions d’organisation, d’agencement intérieur, ne sont que le champ de bataille où s’agite une lutte plus intime et plus sérieuse, oui, une lutte qui a eu ses péripéties, même ses momens dramatiques. Cette lutte, elle découle de la nature des choses, je le disais, de la diversité et de la confusion des élémens qui se sont mêlés à un jour donné pour former l’Italie, de la difficulté qu’il y avait à organiser une administration qui ne fût point par son esprit et par ses ressorts essentiels une administration piémontaise, à donner des lois qui ne fussent pas des lois piémontaises, à faire entrer en un mot l’Italie tout entière dans le cadre d’un petit pays plus vigoureux que flexible. Que cette situation ait eu ses malentendus et ses nuages, c’était assez simple et à peu près inévitable. C’est là justement ce qui est arrivé, et c’est à Naples peut-être plus que dans les autres parties de l’Italie que l’unité ainsi faite a excité une certaine humeur. La vérité est que Naples la première s’est sentie atteinte dans ses intérêts matériels, un peu dans son amour-propre et même dans ses mœurs. Les provinces napolitaines, on le sait bien, sont les plus pauvres de la péninsule. Ce n’était pas la politique de l’ancien gouvernement de développer la richesse, chose dangereuse et révolutionnaire, et malgré de très sérieux efforts on n’a pu faire encore assez pour transformer l’intérieur du pays par les communications aussi bien que par l’instruction. Il s’ensuit que l’égalité des taxes, l’égalité entre la riche Lombardie ou le riche