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termes, le mal est moins dans l’exagération d’une force militaire par laquelle vit l’indépendance nationale, ou dans des dépenses par lesquelles grandit la richesse, que dans les mœurs administratives, dans la pratique des choses. A quoi sert de faire des lois, fussent-elles bonnes, si ces lois se dénaturent au laminoir des minutieuses réglementations ? Les taxes ne deviennent-elles pas à la fois plus lourdes et moins efficaces lorsqu’elles sont éludées le mieux du monde ou lorsqu’elles coûtent à percevoir la moitié de ce qu’elles produisent ? Sous ce rapport, l’Italie a vraiment de singuliers progrès à faire. Sait-on ce que la justice compte d’employés au-delà des Alpes ? 10,714, un peu plus qu’en France. L’administration italienne coûte presque autant que l’administration française et beaucoup plus proportionnellement. Les impôts indirects coûtent de 25 à 50 pour 100 de frais de perception. Les douanes donnent 60 millions et coûtent 20 millions. Les tabacs produisent un peu plus de 70 millions et laissent une charge de près de 30 millions. Pour le sel, 40 millions de recettes et 10 millions de frais de recouvrement. Quant aux postes, elles coûtent 3 millions de plus qu’elles ne produisent. Partout c’est le triomphe d’un esprit de bureaucratie gênant et coûteux, et ce triomphe se traduit en puérilités aussi vexatoires que naïves. J’ai entendu raconter par une personne qu’elle avait à payer tous les mois 50 francs pour l’entretien d’une vieille servante dans une maison hospitalière ; pour payer 50 francs, il fallait aller tous les mois dans cinq bureaux et se mettre à la poursuite de cinq signatures !

L’unité elle-même, en créant de nouveaux besoins, en étendant la sphère de l’administration, en imposant des nécessités de circonstance, n’est point sans avoir donné à ces usages, qui deviennent de véritables vices, une gravité nouvelle. Dans sa précipitation, elle a entraîné comme un surcroît de désordres et de dépenses. Il a fallu déplacer des administrations, et voici ce qui est arrivé, ce qui arrive encore aujourd’hui pour le timbre, si je ne me trompe. On prend le papier à Pescia en Toscane, on l’envoie à Milan pour être timbré, et de là il est expédié dans tout le royaume, avec des frais de plus et des complications inutiles. On a voulu unifier l’administration des tabacs, qui est un monopole de l’état, et on a élevé le prix de vente dans l’espoir d’obtenir un revenu plus considérable. Les frais d’administration se sont trouvés augmentés, et à la faveur de l’élévation des prix la contrebande s’est développée sur une large échelle. Je ne parle pas des inégalités qui se glissent dans la perception des taxes. On a établi un impôt sur la richesse mobilière, chose simple et naturelle dans l’état des finances italiennes ; mais d’abord ce n’est pas sur celui qui possède le plus que pèse