Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/755

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de contrôle ; que n’en use-t-il pour obtenir ces améliorations, ou plutôt que n’en a-t-il usé lorsqu’il a renouvelé, il y a quelques années, le privilège de la Banque ? Le tort de l’état en 1857 a été de renouveler ce privilège à des conditions autres que celles qu’il aurait dû imposer. Il a un peu agi comme un fils de famille qui a besoin d’argent, et qui sacrifie l’avenir au présent. Pour 100 millions que la Banque lui a prêtés à un taux différent de celui qui existait alors sur le marché, à 75 francs, lorsque le cours de la rente n’était guère qu’à 70, il s’est interdit de lui rien demander de plus, il lui a renouvelé son privilège pour quarante ans, de sorte que pendant quarante ans, quelles que soient les améliorations que révèle l’expérience, l’état est lié par son traité, il ne peut les obtenir que d’un commun accord, du bon vouloir de la Banque. Les choses ne se passent pas ainsi en Angleterre : dans ce pays, le gouvernement a toujours la main sur le monopole de la Banque ; il peut, si cela lui convient, et moyennant un avis donné un an d’avance, l’arrêter ou le modifier. Il va sans dire qu’il n’use pas de ce droit, mais il peut s’en servir au moins pour obtenir toutes les améliorations qui lui paraissent désirables. Nous ne voudrions pourtant pas qu’il en fût tout à fait de même chez nous, et que le monopole de la Banque de France fût ainsi constamment à la disposition du gouvernement : celui-ci aurait trop à faire à certains momens pour le défendre contre des exigences plus ou moins irréfléchies, notre principal établissement de crédit a besoin de plus de stabilité ; mais il eût été aisé de trouver un terme moyen entre les deux extrêmes et de ne prolonger ce privilège par exemple que pour quinze ou vingt ans. D’ailleurs, puisque l’état se montrait si libéral pour la durée du monopole, il aurait dû l’être un peu moins pour les conditions : il aurait pu par exemple exiger une redevance annuelle pour le droit d’émission. Cette redevance existe en Angleterre, et elle rapporte à l’état 180,000 livres sterling. Dans d’autres pays, où elle n’existe pas, l’état partage avec la banque au-delà d’un certain chiffre de bénéfices. Pourquoi chez nous n’a-t-on rien exigé pour ce droit d’émission qui, en définitive, rapporte des bénéfices considérables ? L’état aurait bien pu encore, comme en Angleterre, se servir de la Banque de France et de ses succursales pour centraliser les recettes du trésor. Aujourd’hui, avec la rapidité des communications et la facilité qu’on a de percevoir et de transmettre l’argent, la fonction des receveurs-généraux, fort onéreuse pour l’état, n’a plus de raison d’être, et on pourrait parfaitement en faire l’économie[1] ; mais,

  1. Dans un décret qui a paru au Moniteur le 25 novembre 1865, le gouvernement a fait une partie de l’économie que nous indiquons en réunissant les fonctions du receveur-général a celles, du payeur ; mais il ne croit pas devoir aller plus loin pour le moment, et charger la Banque de France de centraliser les recettes du trésor. — La raison qu’en donne M. le ministre des finances, « c’est que cela altérerait le caractère d’indépendance qui appartient à la Banque. » — On n’a pas cette crainte en Angleterre, dans un pays pourtant plus libéral que le nôtre.