Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’IRLANDE
AU CINQUIÈME SIÈCLE

LE SENCHUS-MOR. — LES ORIGINES DU FENIANISME.

Il n’y a pas seulement des agitations et des révoltes en Irlande, un grand événement littéraire vient de s’y produire. Les vieilles lois celtiques ont été traduites ; un premier volume a déjà paru, un second est prêt ; les autres ne se feront pas longtemps attendre. Les voilà donc enfin mises au jour, ces fameuses lois brehon[1], vieilles de vingt siècles, qui, après la conquête anglaise, se sont maintenues cinq cents années en face des lois saxonnes et des lois normandes, et que l’Irlande regrette encore ! Ce que l’on entrevoyait à peine à travers les fictions des romanciers et des poètes est devenu une réalité aussi précise que le code théodosien et que les Capitulaires de Charlemagne. Le temps de la légende est passé, celui de l’histoire commence. Il nous est donné d’apprécier la vraie nature d’une nationalité qui n’a jamais su se défendre, qu’on n’a jamais su dompter, et qui, durant tant de siècles, a traîné après elle des souvenirs de meurtre, de pillage, de science et de douce poésie. On va connaître les institutions d’une société qui ne ressemble ni à la société germanique, ni à la société féodale, ni à la société romaine, ni à la société moderne.

Je n’hésite pas à le dire, les vieilles lois celtiques sont, autant que j’en puis juger, historiquement supérieures à leurs analogues, les lois salique et ripuaire. Elles ont pour elles l’antiquité, la durée

  1. Les anciennes lois de l’Irlande s’appellent communément lois brehon à cause des brehon, ou juges, qui rendaient leurs arrêts en vers.