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vant le cabinet, qui entra tout entier dans les vues de Wellington et de Peel.

On n’avait encore rien dit au roi. Au milieu de janvier, le duc, en lui soumettant un mémorandum que Peel avait rédigé, demanda et obtint l’autorisation pour le conseil de prendre en considération dans son ensemble la situation de l’Irlande et de régler la question des catholiques. Le 17, Peel communiquait à ses collègues un projet d’acte portant abolition de toute incapacité civile fondée sur une croyance religieuse, et l’on décida qu’il serait annoncé par un paragraphe du discours de la couronne. Le roi y consentit à grand’peine, et le discours fut prononcé le 5 février.

On devine quelle explosion de sentimens divers provoqua cette révélation inattendue. Le débat était l’objet d’une solennelle attente. Peel s’y prépara en donnant sa démission de membre pour l’université d’Oxford. Il espérait être réélu, il ne le fut pas, et il eut quelque difficulté à rentrer au parlement par le bourg de Westbury. Il avait proposé d’abord un bill qui prononçait la suppression des associations catholiques en Irlande. L’adoption ne fit pas difficulté, et il annonça pour le 5 mars, après les mesures de rigueur, la motion réparatrice; mais le 4 le roi mandait à Windsor lord Wellington, Peel et le chancelier. Avec une gravité inusitée et d’un air triste et agité, il leur rappela la répugnance avec laquelle il avait accédé à leur prière, et leur demanda de nouvelles explications. Peel lui exposa que le principal obstacle à l’admission des catholiques à tous les droits du citoyen était l’obligation de faire une déclaration contre la transsubstantiation et de prêter le serment de suprématie, qu’ils proposaient de supprimer la déclaration et de retrancher du serment ce qui concernait l’autorité spirituelle du pape. « Qu’est ceci? dit vivement le roi; vous n’avez sûrement pas l’intention d’altérer l’ancien serment de suprématie? On lui expliqua dans quelle mesure on entendait le modifier. Le roi leur dit alors qu’il n’y pourrait consentir, et qu’il n’avait jamais entendu donner cette portée à l’autorisation qu’il leur avait accordée; puis il leur demanda ce qu’ils comptaient faire. Peel répondit qu’il n’avait pas deux conduites à tenir, qu’il retirerait l’annonce du bill d’émancipation et donnait sa démission. Les deux autres ministres tinrent le même langage. Le roi leur témoigna ses regrets de se séparer d’eux, les embrassa et les congédia. La conférence avait duré cinq heures. Lord Eldon a écrit qu’il avait vu le roi ce jour-là et l’avait trouvé dans la désolation. « Que puis-je faire? s’écriait-il, à quoi recourir? Je suis bien à plaindre; ma situation est déplorable, elle est terrible. Et personne autour de moi pour me donner conseil! Si je consens, j’irai aux eaux sur le continent, et de là en Hanovre. Je ne reviendrai plus en Angleterre. Je ne veux pas faire