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LE CHEVAL[1]

Je l’avais saisi par la bride,
Je tirais, les poings dans les nœuds,
Ayant dans les sourcils la ride
De cet effort vertigineux.

C’était le grand cheval de gloire,
Né de la mer comme Astarté,
A qui l’Aurore donne à boire
Dans les urnes de la clarté ;

L’alérion aux bonds sublimes,
Qui se cabre, immense, indompté,
Plein du hennissement des cimes,
Dans la bleue immortalité.

Tout génie, élevant sa coupe.
Dressant sa torche, au fond des cieux.
Superbe, a passé sur la croupe
De ce monstre mystérieux.

Les poètes et les prophètes,
Terre, tu les reconnais
Aux brûlures que leur ont faites
Les étoiles de son harnais.

  1. Un nouveau recueil lyrique de M. Victor Hugo, les Chansons des Rues et des Bois paraîtra prochainement. Le poème que nous publions précède cet ensemble d’inspirations diverses; c’est un prologue où se révèle la double physionomie de l’œuvre tout entière.