Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/948

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mark dut plier en tout, rendre les vaisseaux capturés et lever même le blocus, sans que les a alliés « aient eu seulement à évacuer le Jutland, une province sur laquelle eux-mêmes cependant déclaraient n’avoir pas la moindre prétention.

Les débats véritables, sur le fond du litige, ne commencèrent qu’avec la quatrième séance (12 mai) ; mais dans l’intervalle la question avait fait des progrès notables… en Prusse. Le 21 avril, le roi Guillaume Ier avait fait une petite excursion dans le Slesvig-Holstein en compagnie de M. de Bismark et du général Manteuffel, et la vue des belles provinces tout récemment conquises par la valeur allemande ne put manquer de produire une grande impression sur l’esprit du monarque. « Je regarde comme sacrée la cause des duchés, dit-il aux bourgeois de Rendsbourg ; la chose a été commencée sérieusement, elle doit être terminée de même. » Sérieusement aussi, la presse libérale de Prusse, très en désaccord en cela, il est vrai, avec le reste de l’Allemagne libérale, demandait de « terminer la chose » par une annexion pure et simple ; des adresses écrites dans ce sens se couvraient de milliers de signatures ; les Prussiens voulaient à leur tour avoir combattu pour une idée… avec toutes ses conséquences territoriales : l’idée fut même mise en vers qui parurent vers la fin d’avril à Berlin et à l’imprimerie royale de Decker ! — Donc à la quatrième réunion de la conférence (12 mai) le plénipotentiaire de la Prusse donna lecture d’une déclaration portant « que les puissances allemandes regardaient le terrain de la discussion comme libre de toute restriction résultant d’engagemens qui pouvaient avoir existé avant la guerre entre leurs gouvernemens et le Danemark. » Lord Russell tenait enfin le mot de cette note identique et énigmatique du 31 janvier dont il avait donné lecture, trois mois auparavant, à la chambre des lords, « en laissant au temps et à leurs seigneuries le soin d’en déchiffrer le sens ! » Les puissances allemandes se considéraient comme complètement dégagées du traité de Londres : la guerre l’avait « annulé ! » Le plénipotentiaire russe, le baron Brunnow, qui en 1852 avait plus que tout autre contribué à la confection de ce traité, ne put décemment renier son enfant, il le défendit même avec une force et une chaleur qui pouvaient faire croire à sa sincérité. Peut-être bien aussi le prince Gortchakov jugea-t-il en effet utile de ne pas initier son ambassadeur au fin mot de la comédie, pour qu’il pût jouer son rôle avec plus de succès. Lord Clarendon essaya de la méthode insinuante : on devrait au moins, pensait-il, accepter le traité de 1852 comme point de départ, l’adopter pour type, sauf à y introduire les variantes devenues nécessaires ! « Vous avez donc quelques combinaisons arrêtées pour remplacer le traité de 1852, demanda à son tour le prince de La Tour d’Auvergne aux Allemands ?