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pait surtout le cabinet des Tuileries dans la situation, c’était l’alliance du Nord qui venait de se reformer, et dont la mesure du 29 février était le symptôme irrécusable. Les effets de cette nouvelle situation ne se firent pas du reste attendre, et dès le 7 mars, le jour même où la mission de M. de Manteuffel se terminait à Vienne, les deux gouvernemens germaniques annonçaient dans une communication identique aux puissances intéressées « que d’importantes considérations stratégiques avaient motivé l’autorisation donnée au commandant en chef de l’armée austro-prussienne d’avancer dans le Jutland… » Toutefois les deux cabinets de Vienne et de Berlin avaient soin d’ajouter « que l’extension donnée aux opérations militaires ne changeaient rien à leurs déclarations ultérieures, et afin de mieux prouver que ces dispositions conciliantes étaient sincères, ils se déclaraient prêts à entrer en conférences avec les puissances intéressées pour aviser aux moyens de rétablir la paix… »


III

Bien courte et désastreuse avait été la première campagne que les Danois eurent à soutenir dans le mois de février contre un ennemi supérieur en nombre comme en matériel de guerre et qu’aidait encore puissamment la saison d’hiver, et dès le 5 le Slesvig était perdu pour eux par suite de la prise ou plutôt de l’abandon du Danevirk. Ce dernier fait de guerre, encore aujourd’hui enveloppé de ténèbres, faillit même coûter cher au roi Christian IX ; à toutes les angoisses des ministres britanniques vint s’ajouter pour un moment la crainte de voir le peuple de Copenhague, exaspéré et criant à la trahison, se débarrasser de Gruksbourg (le père de la gracieuse princesse de Galles) et proclamer Charles XV ou le prince Oscar de Suède. Un pareil dénoûment, qui aurait pu avoir des conséquences incalculables, fut cependant évité : la politique cauteleuse de M. de Manderström n’était pas de nature à inspirer à la nation en détresse un tel acte « d’immolation de soi-même. » On se contint dans un désespoir morne, mais exempt de tout empor