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veloppement. — On allait à un bouleversement général, ne cessait de répéter lord Russell au comte Apponyi à Londres ; la France seule y trouverait profit, et l’Autriche, si évidemment menacée dans ses possessions hongroises, polonaises et italiennes, était la puissance du monde la plus intéressée à un prompt rétablissement de la paix.

Ces argumens mêmes n’en furent pas moins ceux dont se prévalut l’envoyé extraordinaire du roi Guillaume Ier pour rallier le cabinet de Vienne à la politique de son gouvernement ! Il posa seulement en principe ce fait, qu’on ne put guère lui contester, à savoir que l’Angleterre ne ferait rien, absolument rien, qui pût sérieusement menacer l’Allemagne. Cela bien établi, M. de Manteuffel convint qu’il y avait en effet de très grands et de très réels dangers du côté de la France, de cette France qui gardait en main, comme une ressource de son jeu, les deux cartes de l’insurrection polonaise et de l’agitation des états secondaires de l’Allemagne, et qui, dans tous les cas, chercherait très certainement dans les plaines de la Lombardie la revanche de son échec de l’année précédente ; mais tout cela n’indiquait-il pas précisément la voie qu’on avait à suivre ? Tout cela ne devait-il pas impérieusement engager l’Autriche à aider efficacement la Russie dans ses efforts contre la Pologne, à étouffer également dans son germe une confédération du Rhin près de renaître, et à se ménager ainsi des alliances sûres pour le cas d’une guerre en Italie ? La Russie ne demandait pas mieux que de favoriser l’Allemagne dans ses « légitimes » revendications. Et par exemple cette pointe poussée dans le Jutland, qui irritait tant le cabinet britannique et inquiétait le comte Rechberg, le prince Gortchakov en prenait aisément son parti. « Il la considérait simplement, écrivait lord Napier le 20 février, comme une opération militaire sans conséquences. » Pour peu qu’on lui donnât un vigoureux coup de main en Galicie, le cabinet de Saint-Pétersbourg passerait l’éponge sur certaines velléités et certaines « connivences » de l’année 1863. Pour peu aussi qu’on donnât satisfaction pleine et entière aux vœux de la grande patrie par une politique « nationale » dans les affaires des duchés, le patriotisme tudesque se consolerait bien vite de certaines leçons infligées aux petites cours ; il approuverait même des rigueurs qui auraient en définitive servi à sauvegarder « le Rhin allemand. » Quant aux éventualités d’une attaque en Italie pour le printemps, il était tout juste que le cabinet de Vienne reçût à cet égard des assurances très positives. « Il était tout naturel, devait dire le mois suivant M. de Bismark à sir A. Buchanan (dépêche du 12 mars), il était tout naturel (of course) que la Prusse ne pourrait abandonner l’Autriche, si cet empire était exposé aux hostilités