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tillerie, facile à manier, quoi qu’on en dise, avec les moyens mécaniques dont on dispose aujourd’hui, que c’est une question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux, dans un combat, être sur un navire non cuirassé, muni de ces pièces redoutables que sur le bâtiment blindé, tel qu’il existe chez nous, pourvu que le premier des deux eût la supériorité de vitesse. Les grandes vitesses et la grosse artillerie, voilà les deux conditions souveraines de la supériorité à rechercher avant tout ; l’importance de la cuirasse est secondaire. La vitesse est nécessaire dans presque toutes les circonstances de la guerre pour forcer l’ennemi au combat ou pour le refuser, pour le rendrë décisif, pour garder un blocus contre les blockade-runners, pour atteindre les corsaires à vapeur. Je ne la sacrifierais que sur les navires destinés à aller chercher près des côtés, dans les eaux peu profondes, ces résultats précis et définis auxquels l’emploi de la vapeur permet d’aspirer. Il y a là des conditions de tirant d’eau, de dimensions restreintes, qui excluent la vitesse, pour peu qu’on ne veuille pas jouer contre une simple torpille un trop gros capital et surtout la vie d’un trop grand nombre d’hommes. C’est là le cas indiqué pour les cuirasses les plus épaisses ; mais dans cette circonstance même, comme en toute autre, le rôle du gros canon est toujours de la première importance. Or c’est en artillerie navale que nous sommes visiblement en retard. Nous n’avons rien qui équivaille aux canons de 15 pouces des Américains, non plus qu’au canon Armstrong, rayé ou non, dit canon de douze tonnes à cause de son poids, que les Anglais commencent à mettre sur leurs navires. Nous nous sommes un peu trop traînés dans les erremens de l’artillerie de terre ; celle-ci a parfaitement réussi chez nous dans le renouvellement de son matériel ; les canons de campagne et ceux de siège qui viennent de faire leurs preuves avec tant de succès sur le fort Liédot sont des armes admirables, supérieures à tout ce que les étrangers possèdent ; mais on ne demande à cette artillerie qu’une grande portée, une grande justesse et un projectile explosible à grand effet. Une fois ces règles bien posées, la fabrication n’offre pas une extrême difficulté. Le problème à résoudre est autre pour le canon de mer, destiné à briser les cuirasses : il s’agit de faire la pièce qui résistera au tir du plus lourd projectile chassé par la plus lourde charge de poudre. Tout est là. L’expérience de la guerre américaine, les essais faits à l’étranger, tout indique que la destruction produite par un canon sur des plaques est d’autant plus grande que la charge de poudre est plus forte. Or ces canons, qui doivent avoir de gros calibres afin de pouvoir consumer une forte charge, sont d’une fabrication très difficile, et nous nous sommes à cet égard laissé devancer par les Anglais et les Américains. Ils ont déjà en service des pièces qui brûlent des charges de