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gouverner les Pays-Bas révoltés. La conduite de Marie-Thérèse en Hongrie prouverait au besoin la vérité de ces paroles, et le 11 septembre 1741 donna raison à Charles VI et à la pragmatique sanction.

Inutile de dire qu’il ne fut plus question d’opposition : à peine une semaine fut-elle passée que les états réunis répondirent aux propositions de l’électeur de Bavière par le plus hautain refus, et que le vote de toute la représentation nationale sanctionna une levée insurrectionnelle de plus de cent mille hommes. Peu de jours après, le grand-duc François prêta serment entre les mains de la reine et devant les deux chambres réunies en sa qualité fraîchement acquise de « roi-consort ; » alors aussi pour la première fois le futur empereur Joseph II fut amené de Vienne. A l’âge de six mois, il fit son début parmi ces sujets turbulens avec lesquels il devait, lui à son tour, entamer une si longue et en somme une si infructueuse lutte.

On aurait quelque peine à s’exagérer l’effet moral produit partout par l’issue de la diète de Presbourg. Comme en ce temps de communications difficiles on voyait les choses de beaucoup plus loin, les grandes lignes seules des événemens frappaient l’étranger, qui échappait ainsi à l’embarras des menus détails. La distance alors donnait aux faits la perspective qu’aujourd’hui nous attendons du temps. On voyait peut-être plus juste que nous, et on saisissait avec plus de netteté le sens des événemens contemporains. Dans les provinces allemandes de l’Autriche, partout en Allemagne et jusque dans les cours européennes les plus éloignées, le résultat du voyage de la reine fut apprécié à sa juste et à sa très haute valeur. Il en ressortait pour chaque ennemi de l’Autriche un grand découragement, car il en ressortait la nécessité pour chacun de renoncer à l’espoir (toujours si caressé jusqu’alors) de s’attirer l’alliance de la Hongrie mécontente. Il y eut de tous côtés consternation et grincemens de dents, et je crois que, tout bien examiné, Frédéric II fut encore le moins déconcerté de l’aventure. La tentative hardie de la reine était une telle gageure contre la fortune, que la victoire remportée en pareille occurrence ne pouvait point ne pas intéresser le roi de Prusse. Il se sentait si fort qu’il pouvait se passer ce plaisir d’artiste de voir réussir même son rival.

C’est un honneur pour un pays que de compter un souverain comme Marie-Thérèse, et c’est aussi un heureux privilège que de pouvoir, dans de grandes crises, en référer à des traditions comme celles qui se nomment en Autriche thérésiennes. La supériorité de l’impératrice-reine est toute morale et se trouve dans sa droiture, dans sa simplicité, dans son culte de la vérité, dans son cœur. Elle a pour la vérité précisément le même culte qu’a Frédéric II pour