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et son influence à Marie-Thérèse, ce qu’au fond il désirait fort. Sous le nom de l’empereur Charles VII, Charles de Bavière allait entrer en scène, et Khevenhüller n’en était pas encore à prendre Munich et à couper les derrières de son adversaire par une des petites campagnes les plus heureuses dont l’histoire allemande ait gardé trace. Au mois d’avril 1741, la bataille de Molwitz avait mis l’Europe du côté de Frédéric ; au mois de mai, la France signait avec l’Espagne et la Bavière le traité de Nymphenburg ; pour l’Autriche, tout semblait perdu. Marie-Thérèse n’avait qu’une seule ressource contre tant d’ennemis, la Hongrie, et elle n’était pas encore couronnée reine. Le défaut de tout caractère souverain chez le grand-duc François ajoutait aux difficultés de la situation. Non-seulement on lui reprochait son origine étrangère et son ignorance du droit allemand, mais, oublieux du glorieux fondateur de la maison régnante, du grand Rodolphe, qui, outre son épée, ne possédait guère autre chose, on trouvait dans les provinces allemandes le descendant des princes ligueurs un trop chétif seigneur pour ceindre le diadème de Charlemagne. Comme mari de cette fille aimée que Charles VI avait eu la précaution de faire reconnaître comme son héritier, le grand-duc aurait dû posséder déjà le titre de roi des Romains ; mais la mort soudaine de l’empereur l’avait empêché de prendre les mesures nécessaires, et François de Lorraine demeurait le simple « conjoint » de la reine. Un pareil état de choses ne convenait ni au cœur ni à la dignité de Marie-Thérèse, car elle était reine jusqu’au bout des ongles, et elle adorait son mari.

Du côté des royaumes placés sous le sceptre impérial, la situation était pire encore ; en effet, la pragmatique sanction, qui seule donnait le trône à l’archiduchesse, ne disait pas un mot de son époux. On était lié de tous côtés : en vertu de la pragmatique, nul droit pour François de Lorraine, et, à la moindre infraction qu’on y ferait, abolition des droits de Marie-Thérèse ! Cependant, à dater du jour de son avènement, le partage du pouvoir royal avec le grand-duc fut la pensée perpétuelle comme aussi la difficulté suprême de Marie-Thérèse. La Mitregentschaft, selon le mot technique, c’était là le but presque impossible à atteindre, et auquel tout lui défendait de renoncer. Au milieu d’obstacles sans nombre, un seul et unique espoir demeurait du côté de l’empire d’Allemagne : c’est qu’indubitablement le grand Fritz ne voulait nullement de la couronne impériale pour lui-même ; mais les prétentions électorales disputaient doublement à Marie-Thérèse le royaume de Bohême, car, si Auguste de Pologne réclamait pour lui-même l’exercice de l’électorat comme mari de l’archiduchesse Josepha,