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cause de l’Union ; elles se réjouissaient de ses victoires et déploraient ses désastres, sachant bien que les intérêts engagés dans le conflit étaient ceux de la liberté et de la justice. L’étendue et la sincérité de cette confiance se sont surtout manifestées récemment par l’importance des capitaux que les Allemands ont placés dans les fonds des États-Unis. Sans doute le cours relativement peu élevé de ces valeurs a facilité les achats, sans doute aussi les capitalistes se sont laissé tenter par la garantie d’un revenu supérieur à celui que paient la plupart des états d’Europe pour leurs emprunts ; toutefois la principale raison qui a déterminé ces achats si nombreux est la certitude morale que les obligations émises seront intégralement remboursées, intérêt et capital. Sans une pareille certitude, les épargnes d’un peuple industrieux et économe comme le peuple germanique n’auraient certainement pas été placées dans les fonds américains, si bas qu’ait pu en être le cours.

Tout en constatant que les acheteurs allemands ont donné une preuve sérieuse de leur confiance dans la solidité des finances américaines, il importe d’étudier les bases sur lesquelles ces finances reposent, et cela non-seulement pour affermir dans leurs idées ceux qui connaissent déjà les immenses ressources de l’Union, mais aussi pour rendre le doute complètement impossible à tous les esprits que n’aveugle aucune prévention. En conséquence, on voudrait montrer ici comment les ressources actuelles des États-Unis et les richesses destinées à s’accumuler dans l’avenir assureront le paiement futur de la dette et de ses intérêts à l’époque de l’échéance. Tous les faits, tous les chiffres que l’on citera dans cette étude sont tirés de sources officielles. Parmi les publications que nous avons consultées avec le plus de fruit, nous mentionnerons surtout celles du docteur Elder, attaché au bureau statistique des finances, celles du professeur Wells, président du comité des recettes, et les rapports officiels du secrétaire du trésor.


I

Et d’abord quelle est la dette publique des États-Unis ? A la date du 31 mai 1865, le passif du trésor fédéral se décomposait de la manière suivante :


Dette portant intérêt en espèces (obligations à 5 et 6 pour 100) 5,983,814,746 fr.
Dette portant intérêt en monnaie légale[1] 5,688,772,404
Dette ne portant plus d’intérêt 4,245,858
Dette ne portant pas d’intérêt (greenbacks et postal currency[2] 2,553,278,061
Total 14,230,111,009 fr.
  1. Les paiemens en espèces étant suspendus, on entend aujourd’hui par « monnaie légale » aux États-Unis les billets émis par le gouvernement et connus sous le nom de greenbacks. A la reprise des paiemens en espèces, l’or et l’argent seront de nouveau la seule monnaie légale.
  2. Papier-monnaie, représentant une fraction du dollar, 3, 5 ou 10 cents. Le gouvernement fédéral a émis pour une somme d’environ 250 millions de ces billets, qui servent aux petits échanges.