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pandues, comme une inondation, sur la surface entière du pays ; l’ébranlement causé par la guerre civile s’était communiqué jusqu’aux populations oubliées et comme perdues dans les hautes vallées de la Pensylvanie : dans les plaines sans fin des états centraux et de l’ouest, rien n’avait pu l’arrêter ; la vague court plus lentement d’un bout à l’autre de l’Atlantique. L’esprit provincial avait abdiqué partout devant l’esprit national. Il est permis cependant, même aujourd’hui, de tracer dans la grande confédération certains groupes naturels fondés en même temps sur l’histoire et sur la géographie. Les états de la Nouvelle-Angleterre, groupés autour du Massachusetts, seront bien longtemps encore les inspirateurs politiques, intellectuels et religieux de la nation. La région qui depuis le Maine jusqu’à Washington confine à l’Atlantique restera toujours ouverte aux idées européennes ; ses grandes métropoles commerciales, Boston, New-York, Philadelphie, serviront de lien entre l’ancien et le nouveau monde. Au-delà de la chaîne des Alleghanys s’étendent de vastes provinces où le génie américain, isolé du reste du monde, se montre déjà plus indépendant, plus original. J’ai montré dans les états de l’ouest une population imbue de passions démocratiques, vigoureuse, frère, confiante dans ses destinées, sans autre frein que le travail et le sentiment de sa dignité. Les états centraux remplissent entre les grands lacs du nord du continent et l’Ohio la vaste zone qui sépare du Far-West les États-Unis de l’Atlantique. C’est le propre de ces grands états centraux, l’Indiana, l’Ohio, la Pensylvanie, de servir en quelque sorte d’intermédiaire entre toutes les parties de la république. Leur masse est trop compacte pour qu’on puisse songer à la diviser ; qui pourrait la rattacher à je ne sais quelle confédération du nord-ouest, alors que par la Pensylvanie elle s’étend jusqu’à l’Atlantique ? Au moment même où la fortune des armes semblait sourire à la rébellion, quelqu’un pouvait-il avoir la folle prétention d’annexer à un empire noir des provinces qui ne connaissent point l’esclavage, et dont la population se pénètre chaque jour de toutes les idées, de tous les sentimens, de toutes les passions des états septentrionaux ? La solidarité manifeste, inévitable des états centraux avec les états de l’est d’une part et de l’autre avec ceux du nord-ouest autorise à repousser comme improbable une rupture entre l’Atlantique et le Mississipi, et tant que les vastes ressources d’une zone si riche, si peuplée et si étendue demeureront entre les mêmes mains, on aura le droit de considérer comme chimérique toute tentative faite par les états méridionaux pour échapper à l’Union, qui les domine et les enveloppe de toutes parts.

Les états du centre forment donc, au point de vue politique, une