Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la ronde jaillissent des anfractuosités des rochers et sont utilisées jusqu’à la dernière goutte. Le Simeto et l’Alcantara, dont les vallées contournent le pied du volcan du côté de l’ouest et du nord, reçoivent sans doute une partie de leurs eaux des nappes souterraines de la montagne ; mais le système hydrographique permanent de l’Etna ne comprend qu’un petit nombre de ruisseaux s’échappant dans la plaine des couches inférieures des laves. Tels sont le Fiume-Freddo, dont la gorge, longue d’un kilomètre environ, est dominée par les hauteurs de Piedimonte, — la Bagnara et la Gurna, dont les eaux, retenues par un cordon littoral, s’étalent en marécages dangereux, — la source d’Acque-Grandi et les autres fontaines d’Aci-Reale, qui formaient ensemble le « fleuve » Acis avant d’avoir été cachées en partie sous une cheire vomie par le val del Bove, — le ruisseau d’Amenano, cette eau si fraîche et si limpide qui dans la ville même de Catane échappe à son lit souterrain de basalte pour aller gazouiller sous les ombrages d’un jardin et se jeter dans l’anse du port, à quelques mètres au-delà. Ces sources nous semblent bien peu de chose, à nous barbares du nord qui ne savons apprécier que le colossal et qui réservons toute notre admiration pour les grands fleuves tels que le Mississipi ou le courant des Amazones ; mais il fut un temps où les Siciliens, remplis pour toute la nature d’une piété filiale vraiment touchante, savaient honorer la moindre fontaine. Frères de ces Grecs qui ont donné une gloire impérissable au Scamandre, à l’Alphée, à l’Illyssus, ils considéraient l’Acis et l’Amenano comme des dieux tutélaires ; ils frappaient des médailles en leur honneur et leur élevaient des statues.

Il est certain que les Etnéens pourraient accroître sans peine, au grand avantage de leur agriculture, la quantité d’eau dont ils disposent aujourd’hui. Ils n’ignorent point que sous la ville même de Catane il leur serait facile de capter un grand nombre de filets d’eau de l’antique Amenario qui ont été recouverts par le courant de lave de 1669, et qui n’ont pas cessé de couler dans les profondeurs. De même la compagnie qui canalise à grands frais le Simeto afin démettre en culture les plaines inférieures, pourrait s’occuper de recueillir et d’utiliser d’abondantes sources qui maintenant se perdent dans les prairies marécageuses de Paternò et de Biancavilla, et ne servent qu’à entretenir les fièvres paludéennes dans les localités voisines. En établissant des réservoirs au débouché de la plupart des ravins où coule invisible sous les scories et les cendres l’eau qui provient des vastes champs de neige, on disposerait aussi d’un volume de liquide suffisant pour arroser en abondance toutes les campagnes de la zone cultivée. Malheureusement les habitans de l’Etna, en majeure partie simples tenanciers annuels sur les fiefs