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les nuits sur les trois mers de Sicile s’était considérablement abaissé : les vastes dimensions de la plate-forme du dôme qui s’étend au nord vers Bronte peuvent faire croire en effet que le cône supérieur se dressait autrefois a une hauteur beaucoup plus grande.

Telle qu’elle existe actuellement, la bouche de l’Etna ne se distingue point par sa grande profondeur ni par son large diamètre ; comparée à la masse énorme du volcan, elle semble même de proportions tout à fait insignifiantes, et le cède de beaucoup au cratère de la petite île éolienne de Volcano ; à peine a-t-elle 300 mètres de largeur. Le puits qui s’ouvre au centre de cette dépression n’a qu’une dizaine de mètres au plus ; mais il suffit de savoir que ses parois perpendiculaires descendent jusqu’à des profondeurs inconnues, jusque dans les abîmes souterrains des laves, pour qu’on le contemple avec une admiration mêlée de frayeur : ainsi que le disait Spallanzani, on ne peut s’en approcher que saisi d’une « espèce d’horreur sacrée. » Presque transparens à leur issue du gouffre à cause de la température élevée qui les pénètre, les jets de vapeur qui d’ordinaire s’échappent de la montagne se condensent très rapidement dans l’air froid, et, se déroulant dans le cratère en épais tourbillons, prennent aussitôt les proportions d’un nuage considérable. Parfois ce nuage monte en colonne dans l’atmosphère tranquille jusqu’à une hauteur de plusieurs milliers de pieds ou même de plusieurs milliers de mètres au-dessus du cône de l’Etna, puis, arrivant dans quelque zone où passe un courant aérien, il se recourbe gracieusement et se déploie en écharpe sur toute la rondeur du ciel pour aller se confondre avec les nuées qui pèsent au loin sur la mer, bien au-delà des côtes de Sicile. D’autres fois, les vapeurs de l’Etna, saisies dès le bord du cratère par un courant rapide, descendent comme une immense cataracte sur les pentes du cône, et finissent par s’accumuler en brouillards autour des flancs de la montagne.

Au moment où chaque jet de vapeur s’élance dans l’espace, on entend un souffle caverneux comparable à la respiration d’un monstre ; souvent aussi la réverbération des laves soulevées dans la cheminée centrale colore les nuages de reflets rougeâtres. Tous ces phénomènes effraient, et, bien que l’on puisse d’ordinaire descendre dans le cratère et s’approcher des bords du puits sans danger, cependant on n’ose guère mettre un pied devant l’autre sans une extrême précaution. Au commencement de cette année, alors que la montagne était recouverte de neige jusqu’aux cultures de sa base, on vit un jeune Allemand gravir tout seul les pentes supérieures de l’Etna. Il atteignit la cime, dit-on, et resta longtemps en contemplation devant le cratère, puis il redescendit à Nicolosi et traversa