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année, à l’occasion des solennités de Noël, la petite ville d’Imola vit paraître une homélie dont le ton différait essentiellement de toutes celles que publiaient alors les évêques d’Italie. Dans cette pièce revêtue de sa signature, non-seulement Chiaramonti recommandait à ses diocésains la plus entière soumission au pouvoir établi, c’est-à-dire à la république cisalpine, reconnue depuis deux mois par le traité de Campo-Formio, mais il y professait des sentimens bien nouveaux à cette époque dans la bouche d’un prince de l’église. Il vantait la forme démocratique du gouvernement adopté par la nouvelle république, il démontrait que ses principes n’avaient rien de contraire aux enseignemens de la sainte Écriture ; il parlait avec éloge d’Athènes, de Sparte, des lois de Lycurgue, de Carthage, puis enfin des vertus de son émule la république romaine : rapprochement assez singulier au moment où le trône du souverain pontife, tout près de s’écrouler, était directement menacé à Rome par les émissaires du directoire. Chose plus étrange encore, ce passage d’un style tant soit peu déclamatoire, selon l’usage de l’époque, était suivi d’une citation textuelle de la profession de foi du vicaire savoyard : « La sainteté des Évangiles parle à mon cœur, etc. » Tous ces antécédens de l’évêque d’Imola étaient évidemment connus de Maury. Il avait certes assez de sagacité pour prévoir, si la fortune devenait contraire aux Autrichiens, quel parti la cause du saint-siège et celle de la religion catholique pourraient tirer du choix d’un pontife estimé du premier consul, et dont l’esprit était si peu fermé aux idées du siècle. Si l’on songe qu’à cette époque, fatigué de son long exil, le futur archevêque de Paris méditait peut-être déjà de se réconcilier avec le gouvernement de son pays, on sera comme nous assez porté à lui supposer en cette occasion des arrière-pensées qu’il n’avait point intérêt à dévoiler tout entières au secrétaire du conclave. Quoi qu’il en soit, ce fut dans cette conversation entre Maury et Consalvi que fut définitivement arrêté le choix du nouveau pontife. En peu d’instans, les deux interlocuteurs tombèrent d’accord non-seulement sur la convenance de la nomination de Chiaramonti, mais sur la seule marche qu’il y eût à suivre pour la faire réussir.

Tout n’était pas fini cependant. Un dernier obstacle se présentait, que Consalvi fit aussitôt sentir à Maury. Il était impossible d’espérer que le chef du parti Mattei, cet important personnage dont nous avons parlé au commencement de ce récit, se prêtât jamais à un plan dont il n’aurait pas été lui-même l’inventeur. Plus l’entreprise de couronner Chiaramonti était ardue, plus elle flatterait l’amour-propre du cardinal Antonelli, car il était dans sa nature de chercher à montrer que rien ne lui était impossible, et qu’il réussissait là où les plus habiles auraient inévitablement échoué ; mais