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de la police pour être portées à la connaissance des habitans de l’empire :

« A tous les habitans de Yédo et de chaque partie du Japon, à ceux qui connaissent l’exercice du fusil et le maniement de la lance et de l’épée, aux lonines et aux habitans des montagnes :

« S’il y a parmi vous des gens capables de se servir de toute espèce d’armes, faites-vous connaître aux gouverneurs de la police, et ils vous engageront aux conditions suivantes :

Pour les hommes de choix : 400 itzibous[1] et 200 sacs de riz par an ;
Pour les hommes de second ordre : 200 itzibous et 100 sacs de riz par an ;
Pour tous les autres : 120 itzibous et 70 sacs de riz par an.


« A tous ceux qui sont versés dans l’art de faire des armes, fusils et canons, sabres, lances et tous engins employés dans la guerre :

« Si vous voulez venir à nous, vous serez engagés à des conditions très avantageuses. »


À en juger par ces documens, le caractère des décisions arrêtées à Kioto n’était rien moins que pacifique, et le premier coup de canon tiré par le prince de Nagato à l’époque même où se terminaient ces conseils ne justifiait que trop cette conjecture. L’un des daïmios les plus puissans du Japon n’avait pas craint de devancer à lui seul le terme fixé pour l’appel aux armes, et d’interdire d’une façon brutale l’approche de ses côtes à nos vaisseaux. Les rumeurs publiques ajoutaient, il est vrai, d’autres détails. Le prince de Nagato, en faisant feu de ses batteries de Simonoseki, n’avait pas eu simplement pour but la fermeture des détroits de la Mer-Intérieure. Tout en se mettant ainsi à la tête du parti réactionnaire, il accusait ouvertement le taïkoun de trahison ou d’impuissance à exécuter les ordres du mikado ; par ses discours, en un mot, comme par ses actes, il cherchait à faire proclamer la déchéance du second chef de l’empire, pour prendre lui-même l’épée de généralissime et restaurer l’immense pouvoir de ses ancêtres. Ceux-ci avaient autrefois possédé une grande partie du Japon ; mais, à la suite de guerres malheureuses contre les taïkouns et leurs alliés, ils avaient perdu successivement presque tout leur territoire, réduit par l’usurpateur Hiéas aux deux provinces de Nagato et de Soowoo, d’un revenu annuel d’environ 7 millions de francs, et qui sont restées depuis deux cents ans le seul apanage de la famille. L’antagonisme que révèlent les griefs séculaires du prince de Nagato, comme de tant d’autres daïmios puissans, contre le taïkoun, éclaire toute l’histoire des récens

  1. Monnaie d’argent allié à du cuivre, qui est d’un emploi fréquent au Japon. L’itzibou représente en valeur intrinsèque le tiers à très peu près du dollar mexicain.