Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/1065

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une façon brusque et inattendue, place la solution ailleurs, — dans ta liberté et le droit commun ; Que la liberté d’association soit fixée et déterminée par une loi générale, et alors l’église n’aura aucune faveur ou aucune restriction arbitraire à craindre du gouvernement ; alors elle n’irritera point ses adversaires par le spectacle d’une liberté d’exception qui peut à tout moment se changer contre elle en une compression capricieuse ; alors, en matière d’association, elle sera libre dans l’état libre. Mais M. Guéroult, pas plus que l’orateur du gouvernement, M. Vuitry, qui lui a répondu, ne regarde comme praticable la séparation de l’église et de l’état dans la région supérieure de la liberté pour tous. La parole conciliante de M. Vuitry a répandu » le baume sur les cuisantes blessures, que M. Guéroult avait irritées. Il est clair que le pouvoir discrétionnaire que l’état de choses actuel laisse au gouvernement dans les affaires religieuses comme en tant d’autres n’effraie personne, lorsqu’il a pour organe un esprit aussi sensé et aussi modéré que celui de M. Vuitry, ce serait pourtant le cas de répéter ici le mot heureux de M. Thiers : « le caractère d’un homme n’est pas une institution. » Chose curieuse au surplus, les esprits qui se croient pratiques écartent en ce moment avec une sorte de dédain l’idée de la séparation de l’église et de l’état et la formule de l’église libre dans l’état libre ; ils renvoient cette idée et cette formule aux spéculatifs et aux théoriciens. On dirait, à les entendre, que c’est sans motif, gratuitement, par amusement d’esprit, que l’on a introduit dans la polémique contemporaine la pensée de la séparation de l’église et de l’état. Cependant ce qui donne le caractère pratique à une idée, c’est qu’elle naisse du choc des faits, qu’elle soit indiquée comme la résultante des événemens qui sont en train de s’accomplir, quelle apparaisse avec le signe non-seulement de la possibilité,. mais d’une nécessité prochaine. Or n’est-ce point ce qui arrive aujourd’hui pour l’idée de la séparation de l’église et de l’état ? N’a-t(elle pas jailli du cœur des événemens ? Quoi ! vous assistez à un profond changement dans les conditions du suprême pontificat catholique, le spirituel et le temporel, l’église et l’état se détachent en Italie et menacent de se séparer à Rome, et vous pouvez croire qu’une telle révolution s’accomplira, sans que les rapports de l’église et de l’état soient modifiés partout où le catholicisme est lié aux gouvernemens par des arrangemens particuliers et exceptionnels ? Si la vitalité du sentiment religieux ne s’est point éteinte au sein des nations catholiques et si la révolution française n’a pas dit son dernier mot, nos hommes pratiques, ils peuvent y compter, entendront parler plus d’une fois encore de l’église libre dans l’état libre.

Parmi les questions étrangères, la première qui ait été sérieusement abordée au corps législatif est celle du Mexique. Ce débat a offert un vif intérêt M, Ernest Picard a développé d’abord les objections et les avertissemens de l’opposition dans un des meilleurs discours qu’il ait prononcés. Un membre de la chambre, M. Corta, qui a rempli au Mexique une