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portun de mettre ici son troupeau dans la nécessité de rejeter les conseils qu’il lui donne sur les affaires temporelles, ce qui n’empêchera point nos concitoyens catholiques de lui demeurer attachés comme à un instructeur religieux et même à un guide infaillible dans les questions qui intéressent la foi religieuse. » Ainsi dans un grand pays comme la république américaine, qui compte un nombre considérable de catholiques, mais où la religion n’est plus qu’une affaire de droit commun, l’apparition de l’encyclique n’excite aucune émotion, aucun trouble, aucune amertume. Nous sommes de ceux qui désireraient qu’il en pût être ainsi en France, car les controverses religieuses, compliquées de malentendus politiques qui exposent à de douloureux froissemens les sentimens les plus délicats et les plus respectables, nous inspirent une répugnance véritable. Nous sommes convaincus que c’est l’organisation officielle si défectueuse des églises en France qui envenime chez nous tous les débats religieux. On en a eu un exemple nouveau, en dehors même de la grande agitation libérale et catholique, dans la lutte animée qui s’est engagée au sein de la communauté protestante de Paris. Cette lutte à nos yeux est essentiellement factice, car elle ne résulte que de l’organisation officielle du protestantisme en France. L’état, se mêlant de ce qui ne le regarde point, n’a prévu dans son budget qu’une seule église protestante ; mais il arrive qu’il y a en fait dans la communauté protestante les élémens de deux sections qui, dans le régime de la séparation de l’église et de l’état, formeraient deux congrégations différentes, et qui, forcées de vivre ensemble dans une unité artificielle, se divisent en deux partis. Il y a le parti orthodoxe et le parti libéral, lesquels viennent de se combattre avec une véhémence extraordinaire dans l’élection des membres du consistoire. L’incident le plus remarquable de cette lutte a été la non-élection de M. Guizot, repoussé avec violence par le parti libéral comme le représentant le plus éminent du parti orthodoxe. Bien que nous n’ayons aucune autorité pour nous mêler à ce débat, nous regrettons l’acharnement que les adversaires de M. Guizot ont montré en cette circonstance contre un homme aussi éminent. Nous ne savons point si M. Guizot a mérité d’être classé parmi les orthodoxes par le jugement qu’il a porté sur la prédication de M. Goquerel. Si nous étions ses coreligionnaires, c’est plutôt son orthodoxie qui nous serait devenue suspecte le jour où on l’a vu défendre le pouvoir temporel du pape avec son élévation habituelle et avec un zèle <iu’on n’était point en droit d’attendre d’un protestant. Il nous semble cependant qu’une communauté religieuse et un parti se relèvent lorsqu’ils peuvent trouver leur représentation dans un nom tel que celui de M. Guizot. Devant l’ensemble d’une telle carrière, on peut avec honneur faire le sacrifice de quelques petites dissidences passagères. C’est bien moins M. Guizot que la communauté protestante qui a, suivant nous, à regretter le petit échec dont les passions de parti viennent de le frapper ; mais enfin, nous le répétons, cette mésaventure, qui a étonné le public, est la con-