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de la plaine marécageuse du lac Menzaleh, que recouvre la mer pendant la majeure partie de l’année. Plus loin, un ancien bras du Nil, avec les rives qui le bordaient jadis, est caché en entier par les eaux de la Méditerranée. Mêmes phénomènes au-delà du Delta. D’anciennes descriptions d’Alexandrie et des environs ne pourraient plus être comprises, si l’on n’admettait un affaissement considérable du terrain. Des grottes artificielles, des catacombes, creusées du temps des Ptolémées à une certaine hauteur au-dessus de l’eau et connues improprement sous le nom de bains de Cléopâtre, sont envahies aujourd’hui par les vagues. Sur les bords de la Mer-Rouge, non loin de Suez, d’autres cavernes sépulcrales taillées dans la roche calcaire sont également inondées par suite de la dépression du sol. Peut-être ce mouvement du sol de l’Égypte est-il commun à toute cette partie de la Méditerranée qu’on pourrait nommer la mer égyptienne, car l’île de Crète, dont la pointe occidentale s’est élevée d’au moins 8 mètres dans l’époque moderne, s’abîme graduellement sous les eaux du côté le plus rapproché de l’Égypte. La nature elle-même cherche à détruire cet isthme de Suez qu’elle a formé jadis entre les deux continens, et, par son travail de percement, l’homme ne fait que devancer l’œuvre géologique des siècles à venir.

Le long des rivages de la mer Adriatique, au nord de Zara et de Pesaro, les géographes ont constaté d’autres phénomènes de dépression qui marquent la limite septentrionale de la grande aire méditerranéenne de soulèvement. Dès le milieu du XVIe siècle, Angiolo Eremitano émit l’opinion que les îlots de Venise s’abaissaient d’environ un pied par siècle, et cette hypothèse, basée sur la comparaison des pavés superposés des rues et des édifices, a été pleinement confirmée depuis. Dans l’île de Saint-George, des constructions romaines se trouvent maintenant au-dessous du niveau des lagunes ; ailleurs des routes pavées sont recouvertes par les eaux ; des églises, des ponts se sont abaissés relativement à la surface de la mer. Enfin une ville entière, la Conca, située jadis non loin de la Cattolica, à l’embouchure du Crustummio, est entièrement submergée depuis quelques siècles, et lorsque la mer est tranquille, on voit encore dans les flots les restes de deux de ses tours. M. Giacinto Collegno pense que tous ces changemens de niveau sont produits par le tassement des terres d’alluvion qu’apportent le Pô et les autres rivières descendues des Apennins et des Alpes. C’est là une cause qui doit certainement contribuer pour une forte part à la dépression générale des bords vénitiens de l’Adriatique ; mais elle n’est probablement pas la seule, car les côtes opposées de l’Istrie et de la Dalmatie s’affaissent aussi malgré la nature compacte de leurs roches. À Trieste, à Zara, dans l’île Poragnitza, on voit au-dessous