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Je n’insiste pas sur ces précédens, parce que je veux éviter tout ce qui pourrait ressembler à la discussion d’un homme de parti qui se plaît à opposer les divers gouvernemens de son pays les uns aux autres. Tous les gouvernemens en France ont fait des fautes, et si les uns ont été plus ménagers que les autres des deniers publics, ils ont eu d’autres défauts qui avaient leur gravité, puisqu’ils les ont conduits à leur perte ; par conséquent ce n’est pas dans les gouvernemens passés que j’irai chercher un idéal à opposer au gouvernement actuel. D’ailleurs il faut tenir compte de la différence des temps, du progrès de la richesse publique, de l’élévation du prix de toutes choses, qui font que les exigences budgétaires aujourd’hui sont bien différentes de ce qu’elles devaient être autrefois. On ne peut pas faire les mêmes objections en ce qui concerne l’Angleterre, puisque c’est une grande puissance comme nous, qu’elle a été contemporaine des mêmes faits, qu’elle a eu à subir les mêmes exigences, et qu’elle a en outre des intérêts plus considérables que les nôtres à défendre au dehors. Par conséquent, si l’Angleterre, malgré sa richesse, juge à propos de veiller avec soin à l’économie dans ses dépenses pour obtenir des diminutions de taxes, il n’y a pas de motif pour que nous agissions autrement et qu’on nous fasse payer en proportion de notre richesse, plus même que dans cette proportion, puisque la plus-value des impôts indirects ne suffit pas, et qu’il faut encore y ajouter des impôts nouveaux.

Je prends encore ma comparaison en Angleterre, parce qu’on nous dit sans cesse que pour nos intérêts essentiels, notamment pour nos finances, nous avons les mêmes garanties que nos voisins, que chez nous, comme chez eux, c’est le corps législatif qui vote le budget et sanctionne toutes les dépenses. Il est facile de montrer que sous cette ressemblance apparente il y a une différence essentielle qui tient à la politique et qui agit sur les finances. Chez nous en effet, le corps législatif vote comme en Angleterre les dépenses ordinaires et extraordinaires ; mais il n’a pas, comme en Angleterre, d’action sérieuse sur la politique qui les engage, car je n’appelle pas une action sérieuse cette revue plus théorique que pratique de la politique générale qui a lieu une fois l’an, à propos de l’adresse, lorsque les faits sont accomplis ou qu’ils ne sont pas nés encore. Nous en avons fait l’épreuve à propos de l’expédition du Mexique. Je ne veux certes pas médire de cette expédition : il se peut qu’elle porte tous les fruits qu’on nous a promis et qu’elle nous dédommage de tous les sacrifices que nous avons faits ; mais on reconnaîtra facilement qu’au début elle n’a pas été populaire, que